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Lovis Corinth (1858-1925). Entre impressionnisme et expressionnisme

Encore peu connu en France, Lovis Corinth (1858-1925) est célèbre en Allemagne, considéré comme l’un des précurseurs de l’expressionnisme allemand.
À Paris, la galerie Karsten Greve met en lumière la période tardive de l’artiste à travers un petit ensemble de onze œuvres créées entre 1915 et 1925. Un autoportrait (il en faisait au moins un par an), une armure vide gisant au sol de son atelier (Ritterrüstung und Schwert, 1918), et des bouquets de fleurs. Mais ces bouquets portent en eux tout le style de cet artiste.

Roses, chrysanthèmes, lilas, amaryllis et anémones, les dix dernières années de sa vie, Corinth s’est consacré avec une grande ferveur à ce sujet de nature morte florale qui évoque le temps qui passe inexorablement. La touche est empâtée et rageuse, le cadrage parfois si serré qu’il étouffe les bouquets, les couleurs floues et entremêlées se caractérisent par la dissolution des formes, la matière est sensuelle. L’expressivité de la peinture l’emporte sur le rendu précis du sujet prétexte à la peinture pure. Corinth ne fait pas dans la joliesse. C’est un provocateur. On a pu en juger lors de la rétrospective que le musée d’Orsay lui a consacré en 2008 à l’occasion du cent cinquantenaire de sa naissance.

Corinth s’est vite débarrassé des contraintes de l’académisme et a filé vers un mélange d’impressionnisme et d’expressionnisme où l’art et la vie fusionnent allègrement. L’artiste n’a cessé de choquer, jusque dans sa manière de peindre, à tel point que son art fut dénoncé comme « dégénéré » par le régime nazi qui confisqua 295 de ses œuvres entrées dans les collections publiques allemandes, dont Ecce homo (1925), tableau dans lequel l’artiste prête ses propres traits à une tête de christ aux lèvres rouges de sang qui lui donnent un air curieusement féminin.

Né en 1858 à Tapiau (aujourd’hui Gvardejsk/Russie) en Prusse orientale, Franz Heinrich Louis Corinth dit Lovis reçoit dès son plus jeune âge le soutien de son père dans sa quête à devenir peintre. En 1867, il commence ses études à l’Académie des beaux-arts de Königsberg, puis à la Bayerische Akademie der Bildenden Künste de Munich. Après un séjour à Paris entre 1884 et 1887, où il étudie à l’Académie Julian, école d’art privée de grand renom, et suit l’enseignement des peintres académiques Adolphe William Bouguereau et Tony Robert-Fleury. À Munich, Corinth développe de plus en plus un style qui lui est propre. La richesse des sujets est frappante : portraits et nus (Corinth est un peintre de la chair) alternent avec des scènes burlesques de la mythologie, qui contrastent avec des peintures exagérément réalistes qu’il s’agisse de scènes dans les abattoirs ou de crucifixions.
Installé à Berlin en 1900, Corinth devient l’un des membres les plus actifs de la Sécession locale aux côtés de Max Liebermann ou Max Slevogt. Après avoir abordé tous les genres : mythologie, religion, portraits et autoportraits, scènes de genre et paysages, il va se concentrer sur les paysages et les natures mortes vers la fin de sa vie.
Son œuvre influencera nombre de peintres de sa génération tel d’Edvard Munch, mais aussi quelques décennies plus tard Willem de Kooning, Cy Twombly ou encore Anselm Kiefer qui lui a dédié un hommage avec Pour Lovis Corinth. Autoportrait au squelette (triptyque, 2007), évoquant l’Autoportrait au squelette de Corinth (1896) du musée Lenbachhaus de Munich, témoignant de l’importance de la postérité de Corinth dans l’art contemporain.

Catherine Rigollet

Visuels : Lovis Corinth, Helle Rosen (Roses lumineuses), 1915. Huile sur toile, 54 x 62 cm. Et détail.
Lovis Corinth, Flieder im Kelchglas (Lilas dans une coupe), 1923, huile sur carton, 73 x 48,2 cm (passé en vente en 2019).
Lovis Corinth, Selbstportrait am Walchensee (Autoportrait à Walchensee), 1922. Huile sur bois, 42,3 x 57,2 cm.
Photos : Stefan Altenburger, Zürich. Courtesy Galerie Karsten Greve Köln, Paris St. Moritz

Archives expo à Paris

Visuels de l'artiste
Infos pratiques

Du 29 janvier au 21 mai 2022
Galerie Karsten Greve
5, rue Debelleyme 75003 Paris
De mardi à samedi, de 10h à 19h
https://galerie-karsten-greve.com
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 La Moderne Galerie de Sarrebruck consacre actuellement une exposition au couple formé par Lovis Corinth et sa femme la peintre Charlotte Berend (La Vie est une fête ! jusqu’au 20 février 2022). https://www.modernegalerie.org ).