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Luca Giordano (1634-1705). Le triomphe de la peinture napolitaine

Luca fà presto ! Le peintre napolitain peignait vite et à tour de bras ! Pour preuve les 5000 tableaux et œuvres à fresque créés pour les palais et églises d’Italie ou d’Espagne (pourquoi résista-t-il aux offres de la Cour de France ?) qui en firent un artiste aisé.

De pasticheur ténébriste à peintre baroque lumineux, Giordano ne cesse de se renouveler. Dès ses débuts, après un apprentissage auprès de José de Ribera, peintre espagnol installé à Naples, il développe une technicité qu’il met au service de ses imitations de Titien, Corrège ou Rubens découverts à Rome et Parme. D’aucuns le disent faussaire, mais non, il ne cherche qu’à démontrer sa virtuosité au gré de ses séjours dans les villes d’Italie. La pose de l’enfançon de sa Vierge à l’enfant avec saint Jean-Baptiste, vers 1655 ainsi que la composition pyramidale ne sont qu’un hommage respectueux à La Madone de Lorette de Raphaël.

Il n’a qu’une vingtaine d’années quand ses premiers retables lui sont commandés par des églises napolitaines. On y devine son désir d’occuper encore plus l’espace, comme la peinture à fresque le lui permettra deux décennies plus tard. Sous l’influence des ordres monastiques, se développe un courant mystique conduisant aux représentations naturalistes et caravagesques (“à la sauce napolitaine”, précise le commissaire) de Ribera, Mattia Preti puis, dans leur sillage, de Giordano. San Sebastian, 1651 de Ribera affiche une sérénité quasi-mystique sur un ciel où s’étale l’azur, alors que San Sebastian, 1660 de Giordano, offre, nouveauté stylistique, un corps en mouvement sur un fond dramatiquement sombre.

1656. La peste ravage Naples, emportant la moitié de la ville mais devenant source d’inspiration pour les artistes. Pestiférés et saints intercédant pour la fin de la pandémie apparaissent sur les toiles. Giordano, à la demande du vice-roi, peint un monumental retable louant San Gennaro, martyr du 4e siècle, qui avait déjà sauvé la ville lors d’une éruption du Vésuve un quart de siècle plus tôt (Saint Janvier intercédant pour la cessation de la peste de 1656, 1660).

Depuis son séjour à Rome, Giordano s’est ouvert au baroque des peintres romains, en partie corollaire de la Contre-Réforme (il faut impressionner les croyants) : leurs couleurs lumineuses, leurs ciels infinis, leur dynamique gestuelle, et il continue à recevoir maintes commandes religieuses. Dans les années 80, il est à Florence, peignant à fresque, décorant en un temps record le Palais Medici-Riccardi de Florence, de motifs à la gloire des Médicis. Sur ses toiles déjà, Giordano s’est affranchi des thèmes religieux et imagine des héroïnes sensuelles et dénudées, mais parfois prises en pleine action (Lucrèce et Tarquin, 1663).

En 1692, Giordano se rend finalement en Espagne et poursuit son activité de fresquiste, introduisant un style lumineux, dégagé de contraintes spatiales telles que les faux éléments d’architecture formant cadre pour les scènes peintes. Devenu peintre du roi Charles II, il continue à envoyer des toiles aux oratoriens de Naples, et de retour dans sa ville natale, entame six dernières toiles pour l’église des Girolamini.

Les 90 œuvres sont mises en valeur par une scénographie élégante dans des salles à décor peint, et complétées par une projection immersive de vastes fresques créées pour trois monuments madrilènes. Un artiste si talentueux qu’Hubert Robert et Fragonard le copièrent volontiers lors de leurs séjours à Naples.

Elisabeth Hopkins

Archives expo à Paris

Visuels de l'artiste
Infos pratiques

Du 14 novembre 2019 au 23 février 2020
Petit Palais
Musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris
Avenue Winston Churchill, Paris 8e
Du mardi au dimanche, de 10h à 18h
Nocturne le vendredi jusqu’à 21h
Fermé le lundi.
Entrée : 13 €
www.petitpalais-paris.fr


Visuels : Luca Giordano, Lucrèce et Tarquin. 1663. Huile sur toile, 138 x 187 cm. Musée de Capodimonte, collection d’Avalos. Naples, Italie.
Luca Giordano, Saint Janvier intercédant pour la cessation de la peste de 1656. Huile sur toile, 400 x 315 cm. Musée de Capodimonte, Naples, Italie.
Photo Ministero per i beni e l attivila culturali / Museo e Real Bosco di Capodimonte.