La Fondation Henri Cartier-Bresson, qui a quitté ses anciens locaux de Montparnasse trop exigus, inaugure son nouvel espace, rue des Archives dans le Marais, en rendant hommage à la photographe Martine Franck (1938-2012), qui, avec Henri Cartier Bresson épousé en 1970, conçut en 2003 la fondation qui porte son nom.
Photographe engagée, ayant mené en toute indépendance, mais avec beaucoup de discrétion son métier aux côtés d’Henri Cartier-Bresson cet « œil du siècle » à la renommée mondiale, Martine Franck revendiquait l’émerveillement et la célébration de la vie. « Pour être photographe, il faut un bon œil, le sens de la composition, de la compassion et un sens de l’engagement », disait cette artiste à la sensibilité généreuse.
Née à Anvers en 1938, elle a grandi en Angleterre et aux États-Unis au sein d’une riche famille de collectionneurs. Polyglotte, étudiante en histoire des arts, férue de sculpture, c’est lors d’un long voyage en Orient en 1963, en compagnie de son amie d’enfance Ariane Mnouchkine (co-fondatrice du Théâtre du Soleil), qu’elle découvre le plaisir de photographier les gens, les paysages, les objets usuels.
« Lorsque j’ai entrepris ce long voyage en Orient, j’ignorais que je deviendrais photographe. Je cherchais simplement à découvrir le monde et moi-même. »
À son retour à Paris, elle décide de faire de la photographie son langage et se lance dans ce métier où les femmes sont encore peu nombreuses (Sarah Moon, Sabine Weiss, Janine Niépce, Cathy Leroy…). Devenue photographe indépendante, ses reportages et portraits d’artistes et d’écrivains sont publiés dans Life, Fortune, Sports Illustrated, le New-York Times et Vogue. Elle participe à la création des agences Vu, puis Viva, avant de rejoindre Magnum, qui diffuse toujours son travail aujourd’hui.
Les femmes sont particulièrement au cœur de nombre de ses reportages, des manifestations féministes (MLF en France dans les années 1970 et 1980, New York en 1974, Marche des femmes à Chypre en 1975, Journée des femmes à Pékin en 1980), aux conditions des femmes sur leur lieu de travail (Roumanie, 1975), mais aussi en détention (1987). Le travail sur l’exposition a été entrepris très en amont en 2011 par Agnès Sire avec Martine Franck, alors qu’elle se savait malade. La photographe avait souhaité confier le commissariat de l’exposition à celle avec qui elle dirigeait cette Fondation depuis longtemps. Un parcours dont chaque image est reliée à sa propre vie, comme ces paysages du Tibet dont elle défendait la cause et qui, comme Henri Cartier-Bresson, conforta son adhésion au bouddhisme.
Catherine Rigollet
Visuels page expo : Martine Franck, Quartier de Byker, Newcastle upon Tyne, Royaume-Uni, 1977 © Martine Franck / Magnum Photos.
Martine Franck, Foyer de l’Armée du Salut, New York, 1979. © Martine Franck / Magnum Photos.
Visuel vignette : Martine Franck, photographiée par Henri Cartier-Bresson (détail), Venise, Italie, 1972. © Henri Cartier-Bresson / Magnum Photos.