Que voit-on ? De loin l’œil doute et on a envie de s’approcher et de toucher, voire de prendre à pleine main ces épais rubans de mousse blanche qui pendent le long du mur de l’ancienne sacristie du collège des Bernardins. Après Les grandes mousses en 2006, les Fontaines de mousse et Falling Garden en 2007, Gilles Blazy réalise à nouveau une installation constituée de jardinières, posées sur la structure d’un échafaudage industriel haut de plusieurs mètres. Elle produit en abondance une mousse artificielle, blanche et épaisse, crémeuse qui se déverse (très) lentement sur le sol de l’ancienne sacristie. Chaque jour l’installation est réapprovisionnée et l’effet varie de façon aléatoire.
Né en 1966 à Monaco, formé à la Villa Arson à Nice, Michel Blazy crée des sculptures à partir des petites choses de la maison : purée de carotte, farine, ketchup, lentilles, mousse à raser, croquettes pour chien et chat, etc., détournées de leur fonction alimentaire ou utilitaire. Il affectionne aussi les moisissures pour leur côté vivant et leur capacité à croître et changer de couleurs, embellir. C’est un adepte de l’éphémère et de l’œuvre qui continue de se faire. Une sorte de « work in progress », sans l’artiste.
« Tiens, et si je partais de cette idée ? » se demande Blazy avant d’entreprendre une œuvre comme un alchimiste cuisinant une potion magique. « Mon seul but est de me faire plaisir » assure cet hédoniste qui soutient qu’en achetant une Danette, il peut se nourrir ou s’en servir comme moyen pour se relier au reste du monde. Pour conceptualiser, on évoquera la recherche du temps qui passe, l’évanescence des choses, des métaphores de la fragilité. Pour parler d’histoire de l’art on fera allusion à l’arte povera et à l’art minimal. Michel Blazy dit qu’il « ne sait pas ce qu’est l’art (…), mais qu’être artiste c’est mettre sa vie en forme et faire son chemin de manière originale »… et ludique.
Catherine Rigollet