Napoléon -c’est connu- est mort à Sainte-Hélène. Mais qu’a-t-il accompli avant ? La liste est longue et objet de controverses ! Pour faire court : suite au coup d’État du 18 Brumaire an VIII (9 novembre 1799), le général Bonaparte prend le pouvoir et devient Premier Consul. Il a trente ans et entre les mains la plupart des pouvoirs. Puis en mai 1804, une nouvelle constitution l’élève au titre d’empereur des Français. Sous le nom de Napoléon 1er, il est sacré à Notre-Dame de Paris le 2 décembre 1804 et à partir de là, le régime devient de plus en plus autoritaire.
Napoléon ne respecte plus les libertés reconnues dans la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen. La police est toute puissante. La liberté d’expression est supprimée. La presse muselée. Les inégalités sociales remplacent le droit à l’égalité instauré par l’article 1 de la DDHC. Napoléon met en place une noblesse d’Empire et organise une vie de cour, comme au temps des rois de l’Ancien Régime. Il crée la Légion d’honneur pour récompenser ceux qui lui sont fidèles.
Politicien hors pair, il réussit toutefois en moins de seize années de règne (du coup d’État le 9 novembre 1799 à son abdication le 22 juin 1815) à réformer la France en profondeur. Il promulgue le code civil, ce recueil de lois organisant la vie de la population (on ne rentrera pas ici dans l’étude critique de ce code). Plusieurs grandes institutions sont mises en place, parmi lesquelles le Conseil d’État, le Sénat, la Cour des comptes, les préfets, les sous-préfets, les maires, les conseils généraux, etc. Il crée la Banque de France et instaure une nouvelle monnaie, le franc germinal (qui durera jusqu’à son remplacement par l’euro). Il se lance dans des grands travaux à Paris (percement de la rue de Rivoli, construction de trois ponts, de l’Arc de Triomphe, du Palais Brongniart, du canal de l’Ourcq…). Il fait adopter la numérotation pair-impair des rues de la capitale et crée les lycées et le Baccalauréat…
Côté art : à son accession au pouvoir, le Premier consul va relancer les Arts décoratifs. Une politique de commande publique se met en place dès 1802, en particulier pour les soyeux de Lyon. Avec deux objectifs : relever l’économie nationale en assurant du travail aux artisans et faire des palais consulaires puis impériaux une vitrine de l’excellence du savoir-faire national aux yeux des cours étrangères. Les anciennes manufactures royales (Gobelins, Beauvais, Savonnerie, Sèvres) se mettent au travail, à charge pour elles de réaliser le décor somptuaire du pouvoir. Le style Empire, pesant, pompeux, est au service de l’empereur. Le bilan économique napoléonien reste contrasté. Certes les progrès du machinisme sont encouragés par le gouvernement, surtout quand ils profitent à l’armement et à l’économie de guerre, mais la période bénéficie surtout aux notables.
Napoléon, c’est aussi Austerlitz et Waterloo. Donc des guerres, dues à la soif de conquête et de gloire de ce grand stratège. Il n’y a pas d’image plus emblématique de Napoléon chef de guerre que ce célèbre portrait de David, commandé au retour de la seconde campagne d’Italie. Un tableau qui n’est pas sans rappeler celui de Louis XIV à cheval, peint par René Antoine Houasse. Pour l’anecdote, Napoléon aurait demandé à David de le représenter « calme sur un cheval fougueux » ; une œuvre de propagande, très loin de la réalité moins héroïque de cette traversée des Alpes enneigées qui se fit à dos de mulet. Une vision réaliste que livra le peintre Paul Delaroche quelques années plus tard.
Premier conflit de masse, les guerres napoléoniennes ont mobilisé des centaines de milliers de jeunes hommes qui furent jetés sur les routes de l’Europe. Le chiffrage du nombre de morts fait toujours débat. Napoléon, c’est aussi le rétablissement de l’esclavage dans les colonies françaises. Une page d’autant plus sombre qu’elle efface les effets du décret d’abolition de l’esclavage du 4 février 1794. Le mythe de Napoléon a pris du plomb dans l’aile. Autant admiré que controversé, Napoléon Bonaparte est donc un personnage complexe dont la vie oscille entre héroïsme et tragédie, victoire et défaite, avancées modernes et mesures régressives.
À l’occasion du bicentenaire de sa mort, une exposition brosse le portrait de ce personnage fascinant qui a contribué à façonner la France d’aujourd’hui. De son ascension au déclin de l’aventure impériale, l’exposition retrace en neuf sections cette période charnière, des moments clés de l’Histoire de France à la vie intime et romanesque de l’empereur. Plus de 150 pièces originales (chefs-d’œuvre créés sous l’Empire, objets d’exception ayant appartenu à Napoléon et créations contemporaines) sont réunies pour la première fois dans un parcours à la fois chronologique et pédagogique. Des œuvres et documents issues des collections du musée de l’Armée, du musée national du château de Fontainebleau, du musée du Louvre, du musée national des châteaux de Malmaison et Bois-Préau, du Mobilier national, de la Fondation Napoléon et à la contribution exceptionnelle du musée national des châteaux de Versailles et de Trianon. Des reconstitutions spectaculaires évoquent les arts et la vie de cour d’une époque certes brève, mais qui marqua durablement les arts décoratifs. Qu’on le veuille ou non, qu’on l’admire ou pas, de la légende au mythe, Napoléon 1er est devenu une figure universelle.
Catherine Rigollet
Visuels : Jacques-Louis David, Bonaparte, Premier consul, franchissant le Grand-Saint-Bernard le 20 mai 1800 (1802). Versailles, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon © Rmn - Grand Palais Franck Raux.
Jean Ernest Auguste Getting, La « Victoire », berline du cortège du mariage de Napoléon et Marie-Louise Paris, vers 1804 H. 2,68 m ; Long. 5,30 m ; Larg. 2,10 m, Versailles, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon © Rmn-Grand Palais (Château de Versailles) / Gérard Blot
Étienne Levasseur - Levasseur Jeune, Commode, 1806. Acajou, buis, bronze doré, marbre bleu, nacre, corail, écaille, lapis lazuli, 100 x 132 x 56 cm. Paris, Fondation Napoléon.