La Fondation Cartier révèle en 90 œuvres les audaces techniques, la beauté et la diversité de l’art textile de Olga de Amaral (née en 1932 à Bogota), célèbre figure de la scène artistique colombienne et du Fiber Art. Un univers poétique, coloré et brillant qui mêle géométrie de l’abstraction, hautes traditions populaires amérindiennes et quête métaphysique.
Dès l’entrée dans l’exposition, on est saisi d’admiration face aux drapés monumentaux magnifiquement suspendus au rez-de-chaussée du bâtiment de verre de la Fondation Cartier. D’un côté trois lourdes tapisseries surplombent des blocs d’ardoise posés au sol. De l’autre, pendent des rideaux constitués de milliers de fils de coton enduits de gesso (un apprêt servant de sous couche), recouverts de peinture acrylique et qui laissent apparaître des motifs géométriques simples (série des Brumas/Brumes). Ces longues et fines sculptures textiles, qui peuvent être vues sous plusieurs angles, semblent constituer de vaporeux écrans, comme les brumes qui enveloppent Bogota une bonne partie de l’année. Une scénographie spectaculaire conçue par l’architecte franco-libanaise Lina Ghotmeh qui a pensé le lieu comme un jardin intérieur entouré des arbres du jardin de la Fondation Cartier pour l’art contemporain, suggérant l’idée d’un paysage physique et mental.
On se promène et on traverse silencieusement ses tissages mouvants, comme envouté par l’univers sensoriel de l’artiste colombienne, songeant à sa volonté d’avoir construit des surfaces, pour « créer des espaces de méditation, de contemplation et de réflexion ». Une déambulation qui se poursuit au sous-sol au sein d’un autre univers, plus feutré, dans lequel on circule entre des tissages colorés inspirés de l’artisanat latino-américain et de vibrantes et imposantes stèles dorées composées d’une structure tissée en coton très rigide, recouvertes d’une épaisse couche de gesso, puis de peinture acrylique et de feuilles d’or (série des Estelas/Etoiles) faisant disparaître l’effet tissu et réfléchir la lumière.
Depuis les années 1960-70, Olga de Amaral (née en 1932 à Bogota) a pris ses distances avec le tissage classique et les surface planes, repoussant les limites du médium textile en multipliant les expériences sur les matières (lin, coton, crin de cheval, gesso, feuille d’or ou palladium) et les techniques : elle tisse, noue, tresse, entrelace les fils pour créer d’immenses œuvres tridimensionnelles. Inclassable, son art emprunte tant aux principes modernistes, qu’elle découvre à l’académie des arts de Cranbrook dans le Michigan, aux États-Unis, -participant aux côtés de Sheila Hicks et de Magdalena Abakanowicz au développement du Fiber Art qui associe d’autres composants aux fibres textiles-, qu’aux techniques et traditions du tissage latino-américain et à l’art précolombien. Des sources inépuisables de créations.
À la fois tapisseries, peintures, sculptures et architectures, ses œuvres abstraites, monumentales et tridimensionnelles semblent aussi inspirées par les paysages, la météorologie et les couleurs de sa terre natale. C’est le cas de deux grandes séries présentées dans l’exposition : les Estelas, commencées en 1996 et qui compte aujourd’hui près de 70 pièces, et les Brumas, commencées en 2013 et qui compte 34 pièces.
Représentée dans de multiples musées d’Europe, d’Amérique du Nord et d’Amérique du Sud, mais aussi dans des collections privées ou d’entreprises, les œuvres d’Olga de Amaral parcourent le monde. Mais en France, la dernière rétrospective dédiée à Olga de Amaral remonte à 1997, au Musée Jean Lurçat et de la tapisserie contemporaine, à Angers.
Cette grande exposition à la Fondation Cartier est donc une nouvelle opportunité d’admirer son œuvre et de découvrir ses récentes créations dont beaucoup n’ont jamais été présentées hors de Colombie.
Catherine Rigollet