Le musée du Prado consacre une grande exposition à Véronèse (1528-1588), troisième membre du triumvirat vénitien du XVIe siècle, avec Titien et Tintoret. Les magnifiques tableaux du Prado, récemment restaurés, sont accompagnés d’œuvres provenant des plus grands musées du monde. Une occasion unique d’approfondir l’œuvre de ce maître de la couleur et de la mise en scène.
Cette grande exposition monographique consacrée à Paolo Caliari (né en 1528 dans la ville de Vérone, d’où il tient son surnom de Véronèse), met en lumière l’art de l’un des maîtres les plus brillants et les plus admirés de la Renaissance vénitienne. L’exposition souligne l’intelligence picturale de cet artiste qui a créé un univers formel unique réunissant un nombre infini de références esthétiques et culturelles qu’il exprimait avec une énorme liberté formelle et conceptuelle. Elle rappelle aussi son importance dans la collection du musée du Prado, compte tenu de son influence en Espagne et au Siècle d’or (1492-1681), où ses œuvres étaient très appréciées des monarques et des collectionneurs.
Organisé en six sections, le parcours chrono-thématique se concentre d’abord sur la formation de l’artiste dans sa ville natale de Vérone, dans laquelle la tradition artistique locale coexistait avec des contributions d’artistes vénitiens (en particulier Titien (1485-1576) et italiens comme Raphaël (1483-1520) et Parmigianino (1503-1540). À partir de ces points de départ, Véronèse développe rapidement son propre style, caractérisé par l’élégance formelle de la composition et des couleurs contrastées d’une exquise fraicheur, comme son fameux « vert », aussi légendaire que difficile à définir. Des talents de coloriste qui lui ouvre grand les portes de Venise à son arrivée en 1551. Il reçoit très vite de nombreuses commandes émanant d’églises ou du Palais Ducal, faisant ainsi de l’ombre à Tintoret (1518-1594).
La deuxième section aborde l’approche de Véronèse pour comprendre sa manière de structurer l’espace et son art du trompe-l’œil dans des compositions souvent monumentales comme Les Noces de Cana (6,60 m de haut et 9,94 m de large). Un tableau peint en 1562-1563 pour le réfectoire des bénédictins de San Giorgio Maggiore à Venise (conservé au Louvre). La troisième section met l’accent sur l’intelligence picturale de Véronèse à la tête de l’un des ateliers les plus prolifiques et les meilleurs de l’époque. La quatrième section révèle les capacités exceptionnelles de l’artiste dans deux domaines particulièrement appréciés par les élites sociales : les allégories et les sujets mythologiques, notamment les nus (Venus et Adonis, 1580).
La cinquième section, Late Veronese, analyse sa dernière décennie et révèle un changement notable dans sa peinture, avec des compositions plus petites, peintes dans une palette plus sombre et dans lesquelles le paysage acquiert une nouvelle importance. Un changement qui annonce les grandes réalisations du baroque. Et qui répond à divers facteurs : esthétiques, tel que l’impact de l’œuvre contemporaine du Tintoret et de Bassano (1510-1592) et d’autres contextuels, comme le climat religieux tendu qui a suivi le Concile de Trente convoqué pour affirmer la doctrine catholique contre le protestantisme. Pour exemple, sous les pressions de l’Inquisition, Véronèse changea sa Dernière Cène (1573), jugée hérétique par l’Église à cause de l’atmosphère de ripaille et de bouffonnerie, en Repas chez Lévi (conservé aux galeries de l’Académie de Venise), évitant ainsi la censure.
Le parcours se termine par une section sur l’héritage de l’artiste en Europe, avec un coup de projecteur sur ceux qui l’ont immédiatement suivi, comme Le Greco, les frères Carracci et Pierre Paul Rubens. Et ceux qui l’ont idéalisé, tels Guido Reni, Velázquez et plus tard Delacroix et Paul Cézanne. Décédé à l’âge de 60 ans Véronèse est enterré à Venise dans l’église San Sebastiano, dont il a peint un grand nombre de fresques.
