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Paris 1900 : une Belle Epoque conservée en mémoire à l’agence Roger-Viollet

Au tournant des deux siècles, l’Exposition Universelle fait rayonner Paris qui veut éblouir les nations. Cinquante-huit pays participent. 51 millions de visiteurs accourent du monde entier. Du pont Alexandre III à la tour Eiffel inaugurée lors de la précédente Exposition Universelle en 1889, des centaines d’édifices s’égrènent sur plus de 200 hectares. Ils sont flamboyants, extravagants, à l’image du palais des Beaux-Arts (dit Grand Palais), une prouesse technique avec sa verrière soutenue par des volutes d’acier. Tous les styles s’y côtoient. La ville lumière devient le symbole du luxe et de l’art de vivre à la française. Le dimanche, les élégantes chapeautées se rendent au champ de course de Longchamp ou d’Auteuil en fiacre. Les lignes 1 et 2 du métro sont construites et facilitent les déplacements. L’activité bat son plein sur les quais de Bercy, où les tonneaux de vin sont entreposés. Aux Halles centrales de Paris, chef-d’œuvre de légèreté et de transparence édifié par Baltard, marchands, clochards et prostituées se croisent au milieu des forts des halles, transportant carcasses de bœufs, volailles, poissons, légumes...soit presque tout l’approvisionnement alimentaire de la capitale. La vie bouillonne de jour comme de nuit dans ce « Ventre de Paris » célébré par Zola.

L’optimisme, marqué par de nombreux progrès économiques et techniques, domine cette « belle époque » que les photographes ne se lassent pas de documenter. Il y a Étienne Neurdein, fils du photographe Charlet, et son frère Antonin auxquels on doit notamment la célèbre photo de Gustave Eiffel en haut de sa tour. Albert Harlingue qui réalise des reportages aussi bien sur les personnalités et les évènements politiques que sur le milieu artistique parisien et les élégantes à l’hippodrome d’Auteuil. Maurice-Louis Branger qui couvre les principaux évènements de la vie parisienne - en particulier, la crue de 1910. Jacques Boyer qui photographie la vie quotidienne et les petits métiers. Moyse Léon et Isaac dit Georges Lévy qui éditent des tirages vendus à l’unité, ainsi que des cartes postales. Et bien sûr Henri Roger, qui accola à son patronyme celui de sa femme Jeanne Viollet. Épris d’innovation et de progrès technique, il pratique le trucage photographique et produit des autoportraits multipliés et facétieux. C’est sa fille aînée Hélène (1901-1985), qu’il a initiée à la photographie, qui fondera avec son mari Jean-Victor Fischer la Documentation Générale Photographique Roger-Viollet, en 1938. Une institution dont certaines des photos ont fait le tour du monde, comme celle du spectaculaire accident de la gare Montparnasse, en 1895, avec la locomotive qui chute après avoir transpercé le mur. Ou celle de Jean Jaurès haranguant la foule sous un grand drapeau, en 1913.

Déjà dotée d’un riche fonds historique, l’agence Roger-Viollet va racheter des milliers de clichés des studios Léon & Lévy et Neurdein, Albert Harlingue, Maurice-Louis Branger, Jacques Boyer, Henri et Ernest Roger, jusqu’à posséder un fonds photographique unique en Europe avec plus de 6 millions de documents couvrant plus de 180 ans d’histoire parisienne, française et internationale. Des collections complétées depuis par des partenariats avec les plus grandes agences d’archives mondiales, pour certaines inédites en France, des fonds de photographes indépendants français et étrangers et le fonds du quotidien France-Soir, diffusé en exclusivité. En 1985, à la mort (tragique) des deux propriétaires en 1985, la Mairie de Paris hérite de l’agence. En 2019, sa gestion -difficile- est confiée à NDLR. Avec cette transaction, l’agence photo française (du groupe Photononstop) née en 2000 de la fusion de la photothèque SDP et de l’agence de photo de voyage DIAF acquiert également les droits d’exploitation commerciale et de diffusion sur les archives photo de France-Soir, pour une durée de 5 ans. La Ville de Paris reste cependant le propriétaire de contenus.

Rénovée en 2020, l’agence située à deux pas de la Seine, derrière l’Institut de France, a perdu un peu de l’esprit des lieux même si elle a gardé des rayonnages tapissés de boîtes d’archives vertes, vestiges d’une autre époque. Mais elle dispose, outre un espace de consultation et de vente de tirages, un coin librairie…et une galerie. Cet été, elle y expose soixante photographies évocatrices de cette période faste de la vie parisienne. Un petit voyage dans le temps, un brin nostalgique.

Catherine Rigollet

Visuels : Exposition universelle de 1900. Groupe de promeneurs sur le pont Alexandre III. À gauche au premier plan, le pavillon de l’Italie, au second plan le pavillon de la Turquie. Paris, 1900. © Léon et Lévy / Roger-Viollet.
Paris, XVIe arrondissement. Panorama sur l’avenue Kléber prise de l’Arc de Triomphe. 1900. © Neurdein / Roger-Viollet.
Élégantes à l’hippodrome d’Auteuil. Paris (XVIe arr.), mars 1912.
© Albert Harlingue / Roger-Viollet.
Orgue de Barbarie devant l’agence Roger-Viollet. Paris, 1951 © Roger-Viollet.

Archives expo à Paris

Visuels de l'artiste
Infos pratiques

Du 1er juillet au 28 août 2021
Galerie Roger-Viollet
6, rue de Seine 75006 Paris
Du mardi au samedi de 11h à 19h
Tél. : 01 55 42 89 00
www.roger-viollet.fr