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Paris, capitale de la gastronomie depuis le Moyen-Âge

Il manque peut-être une chose à cette exposition : des fumets, des arômes, des effluves... Car tout est fait pour émoustiller le visiteur : tables mises, menus affichés, produits alimentaires exposés dans cette grande salle des Gens d’Armes de la Conciergerie qui servit de réfectoire au Moyen-Âge. Et pour le convaincre — mais est-ce vraiment nécessaire ? — que Paris est, depuis des siècles, la capitale de la gastronomie. Un titre aujourd’hui concurrencé par New York, Londres ou Tokyo, entre autres, qui nous envoient leurs meilleurs chefs et où s’installent également, ne l’oublions pas, de grands chefs français.

Le parcours s’ouvre avec le grand festin donné en 1378 par Charles V en l’honneur de l’empereur romain germanique et son fils avec quelque 800 convives inaugurant ainsi la « diplomatie de l’assiette ». Un banquet immortalisé par des enluminures contemporaines et de nouveau, plus d’un siècle plus tard, par Jean Fouquet. On sait qu’y fut servi un civet d’huitres, dont la recette se trouve dans le manuscrit du Viandier, le livre de recettes du fameux Taillevent heureusement exposé ici. Au fil des siècles, les banquets se succèdent et cuisiniers, orfèvres et porcelainiers rivalisent pour contribuer à l’élégance des festins. Des réceptions fastueuses ponctuent l’histoire de France, pour n’en citer que quelques-unes : le banquet du Camp du Drap d’Or, le diner offert à Louis XIV à Vaux-le-Vicomte par son intendant, Nicolas Fouquet, ou encore le banquet des maires de France lors de l’Exposition Universelle de 1900, qui comptait plus 22 000 convives autour de sept kilomètres de tables installées aux Tuileries !

Jusqu’au 19e siècle, le service de table se fait « à la française ». Pour chaque partie du diner (entrées, rôts et desserts), des dizaines de plats sont disposés sur la table et chaque convive se sert comme il lui plait. Il sera remplacé par le service « à la russe », où chaque convive doit se servir dans les quelques plats qui lui sont présentés individuellement, qui survit à ce jour dans les repas festifs.
Quelques décennies avant la Révolution, s’ouvre le premier vrai restaurant. Il offre tables individuelles et cuisine raffinée, faisant sortir cette dernière des cuisines de la cour et des châteaux pour régaler le citoyen ordinaire. Après la Révolution, ce seront les chefs de ces cuisines qui officieront dans les grands restaurants qui ne négligent pas non plus leur architecture et leur décor. Le restaurant devient le lieu de tous les échanges politiques, culturels ou amoureux (ces derniers favorisés par les cabinets privés) pour citadins aisés. Mais le bon peuple n’est pas oublié, et les « bouillons » et autres brasseries font florès. En même temps, boulangerie et pâtisserie ravissent le manant comme le bourgeois.

Et pour parfaire la réputation de Paris gastronomique, l’exposition rend hommage aux grands cuisiniers qui ont traversé les siècles (Taillevent, Carême, grand pâtissier, ou Escoffier qui officiait au Ritz), vous emmène au cœur du « ventre de Paris », les Halles, décrit en bruits, couleurs et odeurs par Émile Zola, dans son roman éponyme, et fait de vous un futur locavore en vous vantant les produits de qualité de la région parisienne.
Sans oublier que la gastronomie à Paris aujourd’hui, c’est aussi le monde entier qui s’offre aux gourmands, avec des cuisines de tous les pays et des chefs étrangers qui apportent leur touche exotique à nos plats les plus traditionnels.
On se régalera des manuscrits, objets d’arts de la table, peintures, vidéos et photographies, sans oublier les cartels explicites, qui vous mettent l’eau à la bouche tout au long de cette exposition goûteuse et jubilatoire. Et on ne s’étonnera plus que l’Unesco ait classé le « repas gastronomique des Français » comme patrimoine culturel immatériel de l’humanité il y a quelques années !

Elisabeth Hopkins

Archives expo à Paris

Visuels de l'artiste
Infos pratiques

Du 13 avril au 16 juillet 2023
Conciergerie
2, boulevard du Palais, 75001 Paris
Tous les jours de 9h30 à 18h.
Samedi nocturne jusqu’à 20h.
Ouverture exceptionnelle pour la Nuit des Musées : samedi 13 mai, de 20h à 23h.
Tarif plein : 11,50 €
www.paris-conciergerie.fr


Visuels :
 Jean Beraud, Dîner aux ambassadeurs, 1880. Huile sur bois, vers 1880 © Paris-Musées / Musée Carnavalet – Histoire de Paris.
 Les établissements Duval - Salle Montesquieu 1882 - DR - Bnf
 Jules Gouffé, Planche de pâtisserie, Le livre de pâtisserie, 1873 (détail)
Paris, © Bibliothèque nationale de France, Réserve des livres rares.