Oudet, Pascal - Sculpteur

Du bois à la dentelle

Face à ces dentelles de bois, fines et fragiles comme des gaufrettes, on admire et on s’interroge. Sans craindre de briser le mystère de l’œuvre sculptée, « le secret est dans les mains », Pascal Oudet parle volontiers de sa technique et des outils, ces termites, gouges, racloirs et autres instruments qu’il se fabrique parfois pour atteindre ses buts, car « l’outil ne doit jamais être une limite, seule l’imagination l’est ». Il est vrai que ce quadra fut d’abord ingénieur en électronique avant de se reconvertir en 2006 dans le tournage et la sculpture sur bois. Un coup de cœur pour le travail manuel et la transformation du bois en partie hérité d’un grand père et conforté par le passage dans un atelier de menuiserie. Depuis, des centaines de pièces sont sorties des mains de cet artiste qui se définit de plus en plus comme un sculpteur, même si la plupart de ses créations naissent sur le tour à bois, moyen efficace et rapide pour enlever de la matière à une pièce de 50 kilos et la transformer en une galette de 2 millimètres d’épaisseur et pouvant mesurer jusqu’à 65 centimètres de diamètre. Une belle prouesse technique et manuelle. Place ensuite à l’imagination. Après les Planètes, des boules de bois dont le veinage, mis en valeur par les teintes, rappelle des vues aériennes de la Terre à la Lune, sont venues les Créatures, créées à partir de racines, en utilisant leurs excroissances naturelles. Aujourd’hui, semblant émerger d’un désert, rongés par les vents et comme usés par le temps, ses Sables sont de véritables dentelles de bois, dans lesquelles la transparence révèle l’histoire de l’arbre. Comme le feu, le sablage permet de travailler sur la texture du bois. L’idée est toujours de faire ressortir la matière, les nœuds, les veines.

Tout choix d’une pièce commence par le choix du bois : du chêne, le seul qui puisse être affiné et creusé jusqu’à l’extrême limite d’une feuille, âgé de 30 à 60 ans pour la richesse de ses cernes de croissance, travaillé obligatoirement vert. D’où un travail contre la montre, parfois 7h sur le tour, sans s’arrêter, pour former la pièce avant que le bois ne sèche. Pascal Oudet s’autorise de teinter certaines pièces en les trempant dans une macération de clous et de vinaigre. La rouille, au contact du tanin, noircit aussitôt le bois d’une belle couleur ébène, comme si on l’avait fumé. Il a aussi essayé d’en peindre en bleu, il continuera peut-être et on le souhaite car l’œuvre prend une dimension encore plus audacieuse, plus magnétique. Mais le plus souvent, les couleurs naturelles du bois sont conservées, pour jouer simplement des contrastes entre le cœur sombre et la blancheur de l’aubier, et du temps qui passe. « J’aime beaucoup l’effet que le soleil, la pluie et le gel ont sur les matériaux naturels. Dans les montagnes où je vis, ils créent de magnifiques textures et couleurs sur le bois des vieilles granges, et les strates de pierres », s’enthousiasme ce sculpteur, né à Vesoul en 1972 et qui vit et travaille en Isère, dans la Vallée du Grésivaudan, entourée de bois.

Catherine Rigollet (mai 2013)
Portraits de Pascal Oudet : photo Lionel Pages ©L’Agora des Arts 2013
Photo des œuvres ©Pascal Oudet