Radical, insistant, plein d’humour insondable, le monde fabuleux et inquiétant de l’artiste Paula Rego (1935–2022) foisonne d’images. Née à Lisbonne (où un musée lui est consacré) et installée à Londres depuis ses seize ans pour faire ses études et fuir la dictature de Salazar, sans pour autant renier son attachement au Portugal où elle séjournera à plusieurs reprises avant de se fixer définitivement à Londres en 1975, cette dessinatrice pour qui « dessiner c’est comme respirer », et coloriste virtuose s’est muée au fil des années en fabuleuse conteuse d’histoires qu’elle met en scène sur d’immenses tableaux, des scènes complexes, à la figuration crue, chargée d’émotion, qui font parfois l’effet de cauchemars.
Un théâtre d’images nourri de sa mythologie personnelle (son père très aimé et protecteur, présent notamment à travers cet homme-oreiller que l’on retrouve dans nombre de tableaux dont le triptyque Le pêcheur (2005) ; sa mère sévère, détentrice de l’autorité), de ses lectures de jeunesse (de la Divine Comédie de Dante illustrée par Gustave Doré aux romans de la comtesse de Ségur en passant par Jane Eyre), d’histoire de l’art (Goya, Grosz), de l’influence de la religion, de son féminisme viscéral mais non dogmatique, de ses pulsions érotiques aussi…Un puissant cocktail propre à libérer une créativité sans entraves.
Lorsqu’elle mourut en 2022, Rego laissa derrière elle une œuvre de toute une vie forgée au fil des sept décennies et dont elle disait : « Mes thèmes préférés sont les jeux de pouvoir et les hiérarchies ». Cette exposition thématique en 9 salles (Autoportraits, Constellation familiale, Pouvoir d’État, Lutte des sexes, Héroïnes, Jeux de rôle, Inconscient, Rébellion et Esprit combatif) que lui consacre le KunstmuseumBasel, rassemble ses œuvres les plus importantes. Pour ceux qui n’ont pu voir l’exposition Paula Rego : Contes-cruels à l’Orangerie à Paris, en 2019, c’est une nouvelle occasion de découvrir son œuvre unique.