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Dufy sous l’influence de la Provence et de Cézanne

Organisée en collaboration avec le Musée d’Art Moderne de Paris, qui conserve l’une des plus riches collections de l’artiste, et Paris Musées, l’exposition « Raoul Dufy, l’ivresse de la couleur » met tout particulièrement en lumière les liens étroits que Dufy a entretenus avec la Provence et l’œuvre de Paul Cézanne, tout en retraçant l’ensemble de sa carrière.

Le calme hôtel de Caumont, élégante bâtisse XVIIIe abritée par sa cour pavée et ses jardins à la française de l’effervescence toute proche du cours Mirabeau, accueille durant l’été quatre-vingt-dix peintures, dessins, gravures et céramiques de Raoul Dufy (1877-1953). Des œuvres marquées, dès le début de sa carrière, par une puissance chromatique inspirée par Matisse et les fauves et que son séjour en Provence va encore exalter. La Provence pour Dufy, c’est surtout une rencontre percutante avec l’œuvre de Cézanne (1839-1906) qui va l’entraîner vers une simplification des volumes. Comme le maître d’Aix, Dufy suggère la forme, l’ombre et la lumière par des séries de hachures unidirectionnelles, faisant vibrer les ocres, les rouges et les verts, les contrastant, comme dans ce Paysage de Provence (dit Paysage de Vence, 1913), caractéristique de la période cézanienne de l’artiste.
Raoul Dufy appliquera ensuite les leçons tirées de son expérience en Provence au contact des motifs de Cézanne dans ses lieux de vie que sont Paris (Le jardin abandonné, 1913) et Le Havre, sa ville natale où les régates, les rues pavoisées et la plage de Sainte-Adresse lui offrent l’occasion d’une véritable ivresse de la couleur et d’une stylisation décorative dans laquelle l’humour est souvent sous-jacent. Ainsi cette Fête nautique au Havre (1925), dont l’étendue marine est ponctuée de signes graphiques qui indiquent vagues et reflets et teintée de noir ou de bleu nuit pour en rehausser l’intensité lumineuse. « Le peintre a besoin d’avoir sans cesse sous les yeux une certaine qualité de lumière. Un scintillement, une palpitation aérienne qui baigne ce qu’il voit » explique-t-il. Son attrait pour la mer, les ports et les lieux de villégiature constituera sa première source d’inspiration et domine toute son œuvre.

Objet d’une infinité de variations, le motif de la baigneuse, souvent enrichi d’évocations allégoriques et mythologiques, revient régulièrement au cours de sa carrière, comme ce Nu à la coquille (1933) qui reprend la pose monumentale de La Grande baigneuse de 1914. Un thème que l’on retrouve dans les céramiques et les tapisseries. On le sait moins, mais Dufy a aussi nourri un vif intérêt pour les fleurs et les plantes depuis ses débuts fauves. Il en devient même un spécialiste, de 1910 à 1930, lorsqu’il produit pour l’entreprise textile de Paul Poiret et de la manufacture de soierie lyonnaise Bianchini-Férier, un nombre très important de motifs floraux très appréciés. Dans ses très nombreuses œuvres sur papier, il a de plus en plus recours à de larges aplats sur lesquels il dessine, ou plus exactement, trace des signes pour évoquer des petits personnages sur une digue, des vaguelettes sur la mer, ou les pierres des murs des terrasses comme dans Le Baou de Saint-Jeannet (1919). Dufy a trouvé son style. On sent une grande facilité de pinceau chez Dufy qui a peint énormément, a dessiné encore plus, de façon très spontanée, s’est souvent répété jusqu’à être sous-estimé. Mais comment ne pas être séduit par sa peinture d’une poésie joyeuse et sa manière de conjuguer dessins figuratifs et grands aplats de couleurs, sans toujours se soucier de la perspective ou des proportions, comme dans ce Jardin abandonné (1913) où trois oiseaux blancs, une volière et une branche de feuilles vertes sont devenus de simples motifs décoratifs disproportionnés par rapport à la maison.

L’exposition se clôt sur une installation immersive de La Fée Électricité, conçue dans le cadre de l’Exposition Internationale des Arts et Techniques en 1937 et aujourd’hui exposée au Musée d’Art Moderne de Paris. L’animation des centaines de personnages qui habitent cette œuvre monumentale de 600 m2, et l’analyse détaillée des 250 panneaux qui la composent, éclairent ce qu’elle illustre : la vie des hommes avant l’apparition de l’électricité et après, grâce aux nombreux progrès techniques…Ne quittez pas l’hôtel de Caumont sans voir le film « Cézanne au Pays d’Aix » (20 mn). Il dévoile ses ambitions de peintre, sa relation avec son père, sa difficulté à devenir célèbre, sa passion pour Aix-en-Provence et la contemplation de la nature, sa vie cachée avec Hortense dont il aura un fils, sa frénésie de peindre jusqu’à sa mort, emporté en octobre 1906 par une pneumonie après s’être évertué à peindre sa chère Sainte-Victoire sous un violent orage. Et l’on comprend mieux la fascination de Dufy pour la peinture de Cézanne et ce qu’elle lui a inspiré.

Catherine Rigollet

Visuels : Raoul Dufy, Paysage de Provence (dit Paysage de Vence – probablement peint à Hyères), N.D. (1913), Huile sur toile. Musée d’art moderne de la Ville de Paris. Legs du docteur Maurice Girardin en 1953.
Vue de l’exposition, avec au fond, La Grande Baigneuse (1914).
Raoul Dufy, Le jardin abandonné, 1913. Huile sur toile, 155 x 170 cm, Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris. Achat à l’artiste en 1937.
Raoul Dufy, Fête nautique au Havre, 1925. Huile sur toile, Musée d’art moderne de la Ville de Paris. Donation de Mme Mathilde Amos en 1955
Vue du film La Fée électricité.
Photos © L’Agora des arts.

Archives expo en France

Visuels de l'artiste
Infos pratiques

Du 6 mai au 18 septembre 2022
Hôtel de Caumont – Centre d’art
3, rue Joseph Cabassol
13 100 - Aix-en-Provence
Tous les jours : 10h-19h
Plein tarif : 14,50 €
Tél. : 04 42 20 70 01
www.caumont-centredart.com