Robert Ryman : Le regard en acte

« La peinture blanche est mon moyen d’expression », disait Robert Ryman en 1971. L’artiste américain (1930-2019), qui fut d’abord musicien de jazz, puis gardien de musée au MoMA de New York, formant son œil aux couleurs de Matisse, Picasso et Rothko, se met à la peinture dans les années 50. Le support (alu, carton ondulé, plexiglas, fibre de verre), la technique (peinture, aquatinte, laque, émail sur cuivre, huile) les attaches, l’accrochage de préférence à la lumière du jour, sont inséparables de l’œuvre, la font « sortir sur le mur », tel est son credo. Si ses premières œuvres incluent encore de la couleur, plus ou moins masquée par le blanc qui les recouvre, le blanc prendra le pas jusqu’à ses dernières années où la couleur revient sur la surface et la tranche de ses toiles.

Pourquoi, en voyant le premier tableau de l’exposition, une petite peinture carrée, une huile blanche qui laisse voir sur ses bords le plexiglas poncé, fixé par des attaches de plexiglas poncées, avec des boulons hexagonaux plaqués en cadmium (nous dit le cartel), le mot “chef” est-il venu à l’esprit ? Comme un grand chef qui sélectionne soigneusement ses ingrédients, les cuisine, puis les dispose sur une assiette au design choisi avant de la livrer au gourmet, de même Ryman ne laisse rien au hasard, ni la couleur, ni la lumière, ni les volumes, pour répondre au “défi de faire advenir quelque chose avec de la peinture blanche” et inciter le regardeur à y voir une peinture “active” qui capte le regard.

Au fil des salles, sont accrochés, sans cadre, et maintenus sur le mur, des carrés (le plus souvent) sur divers supports, de tailles diverses. Des carrés blancs, de consistance, de tonalité, de luminosité diverses, qui incitent à s’approcher, à découvrir non ce qu’ils pourraient représenter, mais ce qui fait d’eux ce qu’ils sont. Cette monochromie, ce minimalisme peuvent-ils susciter une émotion, un rejet ou une adhésion ? Difficile à dire. À coup sûr, cette œuvre intrigue et attire. Les mots la trahissent, il est préférable d’aller la regarder.

Elisabeth Hopkins

Archives expo à Paris

Infos pratiques

Du 6 mars au 1er juillet 2024
Musée de l’Orangerie
Jardin des Tuileries
Place de la Concorde (côté Seine)
75001 Paris
Ouvert tous les jours de 9h à 18h
Fermé le mardi
Nocturne le jeudi jusqu’à 21h
Entrée : 12,50 €
www.musee-orangerie.fr


Visuels :

 Robert Ryman, Untitled, 2011. Huile sur toile, 50,8 × 50,8 cm, Pinault Collection
Photographe Kerry McFate, courtoisie David Zwirner. Robert RYMAN © Adagp, Paris, 2023.

 Robert Ryman, Untitled, 2010. Huile sur toile, 45,7 × 45,7 cm, Pinault Collection Photographe Kerry McFate, courtoisie David Zwirner. Robert RYMAN © Adagp, Paris, 2023.

 Robert Ryman, Background music, 1962. Huile sur toile de lin, 176 × 176 cm. The Greenwich Collection, New York • © 2024 Robert Ryman / ADAGP, Paris / Photo Bill Jacobson Studio / © The Greenwich Collection.