SPEEDY GRAPHITO - plasticien polymorphe

Speedy Graphito dans son atelier

Speedy Graphito dans son atelier

Les Terrasses de l’Agora -Evry, 2015

Les Terrasses de l'Agora -Evry, 2015

Le Baiser, 2018

Le Baiser, 2018

L’art et la manière, 2018

L'art et la manière, 2018

La Sainte famille, 2018

La Sainte famille, 2018

Vénus, 2022

Vénus, 2022

Jeune fille à la perle, 2022

Jeune fille à la perle, 2022

Femme sacrée, 2022

Femme sacrée, 2022

Pop culture et toiles de maîtres

À 61 ans, Speedy Graphito fait l’objet de deux expositions cet été, à Biarritz et à Montauban. L’homme à la houppette de Tintin, précurseur dans les années 1980 du mouvement street art français avec son univers à priori régressif et naïf de Blanche Neige, Pacman, Donald, Super Mario, Popey, Bob l’éponge…aborde sous une apparente légèreté, des sujets plus sérieux, tels : l’enfance, la mort, les dérives de la société de consommation ou la place omniprésente de l’informatique et d’internet dans notre quotidien, comme l’exprime sa Blanche Neige croquant avec humour la pomme d’Apple.

L’art de Lapinture

Si l’humour ne manque pas dans ses compositions multicolores et survitaminées l’artiste s’imprègne toujours de l’air du temps tout en puisant abondamment dans l’histoire de l’art, détournant -par admiration- de manière jouissive les maîtres anciens et modernes en faisant cohabiter ses petits personnages stylisés et dynamiques façon Keith Haring avec des morceaux d’œuvres de Léonard de Vinci et sa Joconde, Magritte et son Baiser, Hokusaï et sa Vague, Cézanne et ses pommes, Mondrian et ses compositions en rouge, bleu, jaune, ou encore Miro, Picasso, Van Gogh, Dali … questionnant l’art dans une introspection décalée et malicieuse. En 2022, dans une nouvelle série dédiée aux femmes, présentée à la galerie Barthélémy Bouscayrol à Biarritz, il réinvente quelques célèbres portraits de Vermeer, Fragonard, Vigée-Lebrun, Modigliani, Picasso, Frida Kahlo… créant de grandes compositions, véritables patchworks de motifs puisés dans la grande famille de l’art. Une richesse iconographique qu’on s’amuse à décrypter pour en saisir les éventuels sens cachés.

Né à Paris en 1961, Olivier Rizzo s’est passionné très jeune pour l’art (fasciné par Le Radeau de la Méduse de Géricault). Trois années d’études des techniques d’arts appliqués au collège de la rue Madame (Paris), puis deux ans à l’école supérieure des arts et industries graphiques (ESAIG), dite l’école Estienne dont il sort diplômé en 1983, il a vingt-deux ans et influencé par la pop et la BD réalise ses premiers pochoirs dans la rue avec le collectif X-Moulinex. Happé par ce goût de la fresque libre, devenu Speedy Graphito, il s’engouffre dans cette voie tracée par Jérôme Mesnager et son Homme en blanc, par Miss Tic, Blek le rat, Jeff Aérosol et invente son personnage fétiche, sa muse, le « Lapinture », espèce de lapin avec des fers à cheval pour les bras et les jambes qui devient parfois sa signature.

De la rue aux galeries

D’abord impopulaire, l’art urbain qui a émergé dans le New York des années 1970 avec des artistes comme Keith Haring et Jean-Michel Basquiat, s’est très vite internationalisé et dans les années 1980, en France notamment, une génération d’artistes biberonnée à la pub et au rock a trouvé dans la rue une toile d’expression aux dimensions illimitées. Et une reconnaissance. Avec ses couleurs vives, la vitalité et l’inventivité de ses œuvres au pinceau, au pochoir ou aux stickers saturées d’images de la culture populaire et de personnages de BD dialoguant avec des motifs abstraits, Speedy Graphito imprime sa marque. En 1985, le voilà couronné du prix de la meilleure affiche du concours lancé par le Ministère de la Culture pour les mois du musée : « La ruée vers l’art ». À partir de là, sa notoriété décolle et les galeries lui ouvrent leurs portes. Dans la foulée, il réalise l’animation des tours de la Défense pour le concert de Jean-Michel Jarre en 1986, l’identité graphique extérieure de la Halle Saint Pierre à Paris, ou encore la création du logo pour la mission spatiale Altaïr.
Mais à partir des années 1990, la rue se remplit d’œuvres d’autres artistes, et Speedy Graphito veut s’en extraire. En plein essor du street art, il prend le contre-pied de cette culture et se retire de la rue pour peindre en atelier avec pinceaux, brosses et pots de peinture, même s’il n’abandonne pas la bombe aérosol (en 2015, il a réalisé à Évry la plus grande fresque street art d’Europe… plus de 3000m2 sur les murs des Arènes de l’Agora).

Aussi prolifique qu’inventif, SG utilise toutes les formes d’expression (peinture, sculpture, installation, photo ou vidéo), faisant aussi appel à des techniques artistiques ancestrales comme la linogravure, l’eau-forte, la sérigraphie ou la lithographie. En quarante ans de carrière, ce boulimique de travail n’a cessé de renouveler en toute liberté son art joyeux et profond. On plonge avec délices dans son univers libre, hypnotique, reflétant tout à la fois la mémoire de notre époque en perpétuelle mutation et les mondes intérieurs qui peuplent ses pensées d’artiste. Un festin !

Catherine Rigollet (juin 2022)