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SUPER TERRAM. Une audacieuse expo « hors sol »

À lieu atypique -une ancienne fabrique industrielle de 3000 m2- exposition et scénographie atypiques dans ce vaste espace, entre terre battue (symbole du cycle éternel de la vie) et béton brut voué à une prochaine et totale restructuration.
Inutile de chercher à tout prix le lien entre le concept énoncé à l’entrée de SUPER TERRAM (hors sol en latin) : « une allégorie de nos vies contemporaines artificielles en perte de repères face à la nature et aux éléments qui constituent l’existence », et les œuvres des dix artistes de la scène urbaine actuelle internationale (tous des hommes) invités à exposer par la Fondation Desperados pour l’Art Urbain et l’artiste-curateur Gaël Lefeuvre. Il est parfois ténu !
Tout comme vous serez souvent surpris par la signification donnée par les artistes eux-mêmes à leurs œuvres, toutes réalisées in situ. Cheminez plutôt en toute liberté de ressenti et d’interprétation dans cette diversité d’œuvres organiques et évolutives, parmi lesquelles quelques sculptures et peintures, et surtout des installations, visuelles et sonores, ainsi que des œuvres d’art numérique.

Introduction dans la pénombre et dans des souvenirs anonymes du temps passé avec la Fabrique de la Réminiscence imaginée par le collectif Cela, rassemblant de jeunes compositeurs, musiciens, dessinateurs, graphistes et photographes créateurs d’installations et de performances grâce à l’usage de vidéo projection. Ici, ce sont des diapositives sauvées de l’oubli dont les images rendues fluides sont projetées au plafond. On comprend l’idée, mais trop de technologie tue un peu l’émotion (sans compter les pannes), idem pour Le chant des sirènes, leur installation sonore à la sortie de l’exposition.
Passé par le graffiti, Amir Roti (France) poursuit son questionnement sur notre rapport au temps et à l’espace à travers son travail sur la pierre, ici une grande sculpture en marbre rose posée sur un cratère de terre (Le Chant du vide).
Davantage de fascination devant Lumen, une fresque animée d’A.L. Crego. Ce photographe et concepteur d’animation d’origine espagnole, utilise le GIF comme support de ses œuvres animées qui s’inspirent de personnes, de livres, de poésie…Rappelant que « nous ne sommes que lumière et mémoire ». Joliment résumé. Interrogation devant le QR code géant de l’artiste sérigraphe français Germain Ipin (de son vrai nom Germain Prevost), qui s’intéresse aux organisations graphiques non figuratives et à la symbolique des formes répétitives tel que le QR code dont l’esthétique lui plait, mais qui jusqu’à présent associé à des objets s’est emparé dangereusement de nos identités et activités pour les contrôler. Son Glissement sémantique, construit en terre est voué à glisser sous l’action de l’eau qui s’écoule. Dommage, le jour de notre visite, elle ne coulait pas…Dans une autre œuvre, un arbre arraché de sa grille et dont il ne reste que des racines à nues, l’artiste s’interroge aussi sur ce qui reste de notre connexion à la terre quand on vit en ville (The Doors).
Admiration devant les panneaux de verre sur lesquels l’Espagnol Gonzalo Borondo a gravé à l’acide des reproductions de sculptures issues des traditions gréco-romaines et chrétiennes (Èter, 2021). Ce street artiste, poète des rues qui maîtrise à la perfection les techniques de peinture à l’aérosol et au rouleau (voir son fabuleux escalier en trompe-l’œil réalisé en 2020 dans la rue Jules Baudelocque à Boulogne-sur-Mer), casse aussi les codes en grattant les vitrines délaissées des commerces, leur redonnant une autre vie en faisant émerger des personnages.
Alliant l’art muraliste, le graffiti, la peinture à l’huile et l’acrylique, Axel Void (États-Unis), de son vrai nom Alejandro Hugo Dorda Mevs, crée des œuvres (graffiti ou peintures acryliques ou à l’huile), dérangeantes et souvent sombres sur la condition humaine. Il ajoute parfois un message ou une image clé pour nous aider à mieux comprendre. Ici, au centre de cinq vitres peintes de multiples visages sur fond rouge sang, c’est une évocation du Radeau de la Méduse qu’on croit discerner dans une petite peinture.
Trouble et interrogation devant les sculptures du sculpteur espagnol « environnementaliste » Joaquín Jara, comme ces Trois Grâces ou cette Diane chasseresse dévorées par la végétation et en voie de décomposition avec le temps qui passe. « Métaphore du capitalisme » nous explique-t-on.
Agréable odeur de mimosa en pénétrant dans Endurance is a flower de l’artiste Addam Yekutieli, alias Know Hope (Israël), connu pour ses projets collaboratifs autour des questions sociales. Son installation d’arbres morts parsemés de petits bouquets de fleurs aborde les notions de mouvement, de migration et de survie en nous faisant écouter des bruits de marché et la voix d’une migrante.
Amusement devant le divan de Michael Beitz, artiste designer américain qui joue à métamorphoser des objets simples en les étirant, les nouant, les tordant.
Émotion devant La Berceuse de guerre du peintre de rue et explorateur, Seth, de son vrai nom Julien Malland (France) qui dénonce la guerre et la misère à travers des œuvres qui mettent en scène des enfants. Comme ici cette petite fille tenant un mobile lumineux projetant sur les murs les ombres de créatures fantastiques issues de l’art populaire ukrainien.

Un parcours entre construction et déconstruction, audacieux sur la forme, mais inégal quant au fond.

Catherine Rigollet

SUPER TERRAM, A.L. Grego, Lumen.
SUPER TERRAM, Gonzalo Borondo, Éter.
SUPER TERRAM, Germain Ipin, Glissement sémantique.
SUPER TERRAM, Joaquin Jara, Érysichthon.
SUPER TERRAM, Seth, La Berceuse de guerre.
© Photos L’AGORA DES ARTS

Archives expo à Paris

Visuels de l'artiste
Infos pratiques

Du 10 février au 19 mars 2023
Espace Voltaire
81, boulevard Voltaire – 75011 Paris
Du mercredi au dimanche, 11h-19h
Entrée libre