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Sam Szafran. Un univers clos et infini, faussement paisible

En 2013, la Fondation Gianadda offrait une belle rétrospective à Sam Szafran (1934-2019), artiste, d’origine juive-polonaise, né à Paris, qui s’est voué à une approche figurative et poético-onirique du réel d’une extrême singularité. Trois ans après sa disparition, c’est le musée de l’Orangerie à Paris qui remet la lumière sur l’œuvre de ce dessinateur instinctif doté d’un trait sûr depuis l’enfance.

Le dessin, voilà ce qui a sauvé Szafran d’une carrière de voyou et d’une mort par overdose. Enfant d’émigrés juifs polonais habitant dans le quartier des Halles, il échappe de peu à la déportation en sortant miraculeusement du Vel d’Hiv grâce à la blondeur de ses cheveux ; sa tante et son père disparaîtront en camp de concentration. Nous sommes le 16 juillet 1942, il a 7 ans et se sent adulte. La suite de son enfance brisée est marquée par des traumatismes et des violences. -comme cet oncle qui le suspendait au-dessus d’une cage d’escalier pour faire céder ce gamin frondeur, réfractaire à tout, séchant l’école pour la magie des images de cinéma, « sa première université picturale ». Adolescent, il zone dans la rue avec les voyous, se drogue, vide les verres sur les comptoirs des bistrots… Jusqu’au jour où un chef de bande découvrant les ornementations sur sa bicyclette lui lance : « quand on est aussi doué, on n’entre pas chez les blousons noirs ! ». Déclic salvateur.

L’autodidacte va apprendre et se construire avec une soif inextinguible, dévorant des livres, copiant les maîtres au Louvre, se formant à l’académie de la Grande Chaumière, fréquentant les artistes de Montparnasse, nouant des amitiés intenses avec Alberto et Diego Giacometti ou Henri Cartier-Bresson. Ne lâchant rien pour devenir peintre. Il laisse un corpus de quelque 1 200 œuvres, 800 aquarelles et 300 pastels et crayons, autour de trois thèmes obsessionnels : les escaliers déformés jusqu’au vertige, les ateliers ce lieu d’enfermement -et de création- de l’artiste, et les philodendrons…plante qui resplendissait, luxuriante, dans l’atelier parisien que lui avait prêté le peintre Zao Wou-Ki en 1966 et qu’il n’arrivait pas à dessiner. Une impuissance devenue une obsession pendant un demi-siècle.

Le musée de l’Orangerie expose une soixantaine de pastels, aquarelles et fusains. En mettant l’accent sur les processus d’élaboration de l’œuvre. Carnets, albums de polaroïds, montages photographiques et un court film réalisé à l’atelier apportent un éclairage complémentaire pour mieux comprendre son univers faussement paisible, tout à la fois clos jusqu’à l’étouffement et infini pour résister et survivre.

Catherine Rigollet

 Un Hommage à Sam Szafran (1934-2019) avec vingt-quatre œuvres et un ensemble de photographies est présenté à la galerie Dil, jusqu’au 30 octobre 2022. 86, rue du Faubourg Saint-Honoré, 75008.


Visuels : Szafran Sam (1934-2019) Sans titre, 1981. Paris, Centre Pompidou - Musée national d’art moderne. © Sam Szafran, ADAGP, Paris 202. Photo © Centre Pompidou, MNAM-CCI, Dist. RMN-Grand Palais / Philippe Migeat.
Sam Szafran (1934-2019), Végétation dans l’atelier, 1980. Aquarelle et pastel sur papier, 106,5 x 75 cm. Collection particulière © Sam Szafran, ADAGP, Paris, 2022.

Archives expo à Paris

Visuels de l'artiste
Infos pratiques

Du 28 septembre 2022 au 16 janvier 2023
Musée de l’Orangerie
Place de la Concorde (côté Seine)
Tous les jours, sauf mardi
De 9h à 18h
Tarif plein : 12,50€
www.musee-orangerie.fr