« Vous aurez le plus grand site Le Corbusier d’Europe. Ce sera une veine ou une déveine, à vous de choisir. » Ainsi s’adressait en 1959 Le Corbusier à Eugène Claudius-Petit, maire de Firminy et commanditaire de ce gigantesque projet d’extension urbaine comprenant une unité d’habitation, une maison de la culture, un complexe sportif et une église. Ce nouveau quartier baptisé Firminy-Vert, pour faire oublier « Firminy la Noire », ses mines et sa métallurgie, doit être construit sur une ancienne carrière et sur les principes de la charte d’Athènes (1933) : soleil, espace, verdure. Charles-Edouard Jeanneret, dit Le Corbusier (1887-1965) ne pourra toutefois voir achever ce qui constitue son plus grand site en Europe. Seul bâtiment édifié de son vivant sur le site, la Maison de la culture (1961-1965) présente un profil insolite avec sa toiture à l’aspect de voûte renversée. Conçue pour répondre à la politique culturelle voulue par André Malraux, elle est toujours en activité aujourd’hui. Dans sa continuité, le stade et la piscine furent réalisés selon les plans de Le Corbusier, supervisés par ses collaborateurs, notamment André Wogenscky qui terminera aussi l’unité d’habitation commencée en 1965. Haute de vingt étages, elle comptait à l’origine 414 logements et une école maternelle aménagée aux 18è et 19è étages, et qui a fonctionné jusqu’en 1998. On trouve dans l’Unité d’Habitation pratiquement les mêmes éléments mis en œuvre à la « cité radieuse » de Marseille : les façades libres grâce à une structure porteuse transversale, les appartements exposés Est et Ouest, le brise soleil, le toit terrasse et à la base les pilotis qui libèrent l’espace au sol. Sept rues intérieures desservent les logements de différents types qui ont été agrandis afin de mieux convenir à la demande actuelle. L’appartement témoin avec son mobilier d’époque a été préservé et se visite. Selon le « modulor », principe de calcul des espaces de vie inventé par le Corbusier et basé sur les proportions du corps humain pour assurer un confort maximal, sa hauteur sous plafond est de 2,26m et la largeur d’un module de base est de 1,78m.
L’église, commandée en 1960, commencée au début des années 1970 sur les plans de Le Corbusier, ne sera finalement achevée qu’en 2006 après moult péripéties et jamais ouverte au culte. Sur un socle carré largement ouvert à la lumière (destiné aux activités paroissiales) s’élève un cône tronqué en béton plein culminant à 33 mètres, abritant la nef et deux chapelles. Une architecture massive et nue, qui fait penser d’abord à une cheminée de centrale, mais qui surprend ensuite par ses canons à lumière, son mur percé symbolisant la « Constellation d’Orion », son étonnant système de récupération d’eau de pluie en spirale, ses sièges en bois profilés. L‘église Saint-Pierre, La Maison de la culture et le stade sont classés Monuments Historiques depuis 1984. La piscine, inscrite à l’Inventaire Supplémentaire des M.H depuis 2005, a été restaurée en 2006. Seuls les pilotis, façades, école et toit terrasse de l’Unité d’habitation sont classés M.H en 1993.
Catherine Rigollet