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Sophie Taeuber-Arp. Plastique - multiple - unique

La période estivale est propice à une escapade sur les hauteurs de Clamart (92) à l’orée de la forêt de Meudon pour y découvrir un lieu unique où vivait le couple pionnier du dadaïsme et de l’abstraction : Jean Arp et Sophie Taeuber-Arp.
Installée dans la propre maison construite par l’artiste Sophie Taeuber-Arp (1889-1943) pour abriter son atelier et celui de son mari le sculpteur Jean Arp (1886-1966), la bucolique et poétique fondation Arp qui conserve leurs œuvres, rend tout particulièrement hommage à cette artiste suisse de l’Avant-garde à l’occasion des 80 ans de sa mort. Si son œuvre demeure moins connue, et parfois réduite au domaine des arts appliqués, elle fut une pionnière de l’art abstrait géométrique ; son œuvre interdisciplinaire gommant les frontières traditionnelles entre l’art et la vie.

Pionnière de l’Abstraction

Sur les trois niveaux de cette maison cubique en pierre meulière, l’exposition montre l’étendue de son travail dans de multiples champs de la création.
Excellant dans la danse (évoquée par une photographie iconique de l’artiste dansant costumée en 1916-1917 au Cabaret Voltaire de Zurich lors d’une représentation Dada) et les arts appliqués (notamment la tapisserie et la broderie qu’elle enseignera à l’École des arts décoratifs de Zurich), Sophie Taeuber explore l’abstraction par la géométrisation des formes. Tout ce qu’elle crée, textiles, peintures, sculptures en bois (Tête Dada, 1920), mosaïques, vitraux ou encore ses marionnettes fabriquées pour la pièce de théâtre Le Roi Cerf en 1918, est composé de lignes horizontales et verticales, de carrés et rectangles dans des couleurs vives. Son goût pour les lignes simples et géométriques se retrouve dans son design de mobilier (bureau, étagères, meuble à dessin et à tiroirs, souvent de simples casiers en bois pouvant se superposer ou s’assembler…) dont les couleurs en aplat, rouge/bleu/jaune et gris rappellent le néoplasticisme de Mondrian.

En quête de l’Art concret

L’architecture n’échappe pas à ses recherches sur la géométrisation des formes.
Son projet le plus célèbre est la décoration intérieure en 1926 du café de l’Aubette à Strasbourg, un édifice datant de 1765, déjà reconstruit après un incendie en 1870 et que la municipalité souhaite reconvertir en centre polyvalent. La commande étant très importante, elle décide de la partager avec Jean Arp et Théo van Doesburg pour la partie architecturale, intervenant quant à elle dans la décoration du salon de thé, du bar et du foyer. Ce projet, conçu comme une œuvre d’art totale dans un esprit proche du Bahaus sera surnommé par certains « la chapelle Sixtine de l’art moderne », selon Sébastien Tardy, responsable des collections de la Fondation Arp. Le public est plus réservé, le jugeant trop ouvert et trop froid. En partie restauré en 2006, il se visite encore aujourd’hui.

Après l’Aubette, Sophie Taeuber s’attèle au plan de leur maison-atelier de Meudon (aujourd’hui sur la commune de Clamart), qui va devenir de 1929 à 1939, un foyer de rencontres artistiques internationales qui va accueillir des collectionneurs, des artistes et écrivains dont Max Ernst, Hans Richter, Nelly et Theo van Doesburg, Kurt Schwitters, Joan Miró, Tristan Tzara ou encore Marcel Duchamp. C’est une période d’intense création, y compris en duo avec Jean Arp. La notoriété grandit, les expositions se succèdent, jusqu’à celle de 1939 chez Jeanne Bucher. Mais le climat est de plus en plus intenable pour les artistes progressistes. Le couple descend dans le midi puis gagne la Suisse avec l’espoir d’émigrer vers les États-Unis, que Sophie ne verra jamais. Elle meurt à 54 ans, asphyxiée par les émanations toxiques d’un poêle à charbon le 12 janvier 1943, laissant Jean Arp dévasté, incapable de créer durant plus de trois ans.
Après le décès de Sophie Taeuber-Arp, il épousera Marguerite Hagenbasch, qui sera à l’origine, en 1979, de la création de la Fondation Arp. Si la maison-atelier a donné toute la place à Sophie Taeuber-Arp pour cette exposition, l’œuvre de Jean Arp, à la fois dadaïste et surréaliste, abstraite et figurative, mais surtout poétique, se découvre dans le jardin avec les grands bronzes et dans l’atelier rempli de modèles en plâtre dans des formes inspirées de la nature, d’une grande liberté d’esprit, au diapason de l’œuvre de Sophie.

Catherine Rigollet

Archives expo à Paris

Visuels de l'artiste
Infos pratiques

Du 15 avril au 10 décembre 2023
Fondation ARP
21 rue des châtaigniers - 92140 Clamart
Jours et horaires de visites de l’exposition
Vendredi : 14h30-16h
Samedi et dimanche : 14h30 15h30 16h30
Fermeture estivale du 31 juillet au 24 août
Tarifs 10€/7€
Tél. 01 45 34 22 63
http://www.fondationarp.org/


Visuels :
 Vue de l’exposition Sophie Taeuber-Arp - Photo S.Tardy - Droits Fondation Arp.
 Sophie Taeuber dans son atelier-bureau de l’Aubette, 1927, Strasbourg. Archives Fondation Arp. Droits réservés.
 Sophie Taeuber, Six espaces distincts. Photo J.P. Pichon. Droits Fondation Arp.
 Sophie Taeuber, Meubles modulables à tiroirs, vers 1929. Photo J.P. Pichon. Droits Fondation Arp.
 Vue de la fondation Arp depuis l’atelier de Jean Arp. Photo L’Agora des Arts.