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Sur le fil du verre

Une vingtaine d’œuvres en verre réunies dans la nouvelle exposition du MusVerre s’ingénient à imiter ou à s’hybrider avec le fil textile. De la certitude du verre à l’illusion du tissu, c’est beau et souvent impressionnant de technicité.

Entrée dans le vif du sujet avec Au fil de (2015), l’installation de l’artiste française Aline Thibault. D’une antique machine à coudre allemande Pfaff sort un long tricot de verre-vitrail dont le maillage rappelle curieusement celui de la pédale de la machine, ses couleurs bleues et ses transparences jouent poétiquement avec la lumière du jour derrière la fenêtre. L’illusion et la poésie se poursuivent dans la grande salle dédiée aux expositions temporaires, plongée dans une délicate pénombre grise qui sublime la finesse et la transparence de la vingtaine d’œuvres en verre associé à du fil. Une exposition où les femmes dominent dans la sélection, et qui a bénéficié de prêts des artistes, de galeries et de collections muséales, comme celle du musée du Verre et du vitrail François Décorchemont à Conches-en-Ouche (https://lagoradesarts.fr/-Musee-du-verre-et-du-vitrail-de-Conches-.html).

Partout le fil y rencontre le verre. En s’hybridant, comme dans cette délicate installation de l’artiste belge Lieve van Stappen, dans laquelle des paires de mains de verre semblent mettre du fil de laine en pelotes ; évocation d’un travail ancestral qui souvent se transmettait ou associait plusieurs générations (Le fil d’Ariane, 2004). Un geste nostalgique que l’on retrouve chez Anne-Claude Jeitz et Alain Calliste et leurs mains dévidant l’écheveau de verre pour former une pelote de fil de verre (Il était une fois, 2014).
Des mains de verre encore avec celles de l’Anglaise Deborah Hopkins qui tentent de démêler un fil rouge (Two hands with red hread, 1995) ou encore celles de l’Allemande Karola Dischinger qui tiennent une corde d’escalade incarnant la solidarité d’une cordée d’alpinistes (Rope team, 2017). Il est aussi question de solidarité dans l’émouvante installation La Femme aux 1000 cœurs (2021-2022) de l’Espagnole Montserrat Duran-Montadas. Pendant la pandémie, l’artiste a demandé l’aide de bénévoles pour la réalisation aux fuseaux de petites pochettes en crochet et dentelle avec fil de lin afin d’envelopper des cœurs en verre soufflé ; un hommage à sa grand-mère décédée dans sa maison de retraite, lors du terrible isolement du confinement.

L’hybridation fil-verre devient illusion parfaite quand le verre imite le tissu grâce à des procédés de fusign et thermoformage, consistant à combiner des morceaux de verre pour ensuite les fusionner au four à une température de 800-860°C et leur donner la forme souhaitée. Ainsi ces tricots surdimensionnés de la Canadienne Carol Milne ou les précieux mouchoirs en dentelle de l’Ukrainienne Natalia Vladychko. On ne pourra manquer la surprenante lessive de la polonaise Barbara Idzikoska suspendue et « séchant » au plafond, révélant cet incroyable potentiel du verre capable d’imiter de nombreuses textures. Jusqu’à produire une étoffe hybride d’une grande souplesse et complexité, mêlant le fil textile et le fil de verre (Confluence, 2020), conçue par les Françaises Lucile Viaud et Aurélia Leblanc.

Poursuivez votre visite dans les salles d’exposition permanente du MusVerre qui accueillent des collections contemporaines parmi les plus importantes d’Europe, réunies dans un bâtiment conçu par l’agence W-Architectures en 2016. Un bel écrin habillé de la pierre bleue du Hainaut, largement ouvert à la lumière du Nord et aux paysages du bocage.

Catherine Rigollet

 En parallèle, « De la lumière à la lumière » est une exposition d’œuvres conçues en résidence par l’artiste fileuse de verre au chalumeau Kim KototamaLune, le plasticien Jean-Benoît Sallé et le vidéaste Stéphane Baz. Des œuvres infusées de spiritualité et de réflexions sur les liens étroits entre le corps, l’esprit et la pensée. Telle la spectaculaire œuvre en verre filé, évocation d’un œuf se prolongeant par une longue spirale et se terminant par l’éclosion d’une tête enfantine, le tout dans en maillage de verre d’une extrême finesse. Une étrange chimère lumineuse, constellée de micros-vidéos enchâssées dans une trentaine de petites corolles de verre. Coup de cœur aussi pour leur Imago, des graines de verre semblant en perpétuelle fusion grâce là encore aux vidéos intégrées dans la pâte de verre. Une évocation selon les artistes d’insectes prêts à sortir de leur chrysalide. Aux frontières de l’onirisme.
Exposition jusqu’au 30 avril 2023.

Archives expo en France

Visuels de l'artiste
Infos pratiques

Du 11 février au 20 août 2023
MusVerre
76, rue du Général-de-Gaulle
59216 Sars-Poteries
Tous les jours, sauf lundi, 11h-18h
Tarifs : 6€/4€
www.musverre.lenord.fr


Visuels : Aline Thibault, Au fil de, 2015. Verre plat et verre soufflé, plomb, acier, étain, machine à coudre. Prêt du Centre européen de recherche et de formation aux arts verriers (CERFAV) à Vannes-le-Châtel.
Lieve van Stappen, Ariadnes’ yarn, 2003-2015. Laine, cristal et pâte de verre. Prêt de l’artiste.
Montserrat Duran-Montadas, La Femme aux 1000 cœurs, 2021-2022. Verre soufflé, crochet et dentelle aux fuseaux avec fil de lin et rocking-chair. Prêt de l’artiste.