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Théodule Ribot (1823-1891). Disciple de Chardin et des Espagnols du XVIIe siècle

Peintre du clair-obscur profondément inspiré par les grands maîtres du XVIIe, Théodule Ribot (1823-1891) demeure encore méconnu du grand public, alors même que ses toiles peuplent les musées français et étrangers. Le musée des Beaux-Arts de Caen révèle l’œuvre de ce peintre autodidacte, particulièrement émouvant dans sa peinture de genre et ses natures mortes réalistes, d’une simple et austère beauté.

Essentiellement autodidacte, Théodule Ribot (1823-1891) s’est essayé à tous les genres, paysages, nature morte, portraits et peinture d’histoire. Solitaire, plaçant son indépendance au-dessus de tout, il peint des toiles sombres, austères et puissantes. Trop ténébreuses pour certains critiques qui se moquent de l’utilisation du noir chez le peintre, l’assimilant à un charbonnier. Il n’en a cure. Ses toiles sont d’abord refusées au Salon dans les années 1850, appréciées que par quelques artistes qui reconnaissent la force de sa production, tels Henri Fantin-Latour, François Bonvin ou James McNeill Whistler.

Mais loin des feux de la rampe, dans son atelier-grenier installé dans les combles de sa maison de Colombes, dans une faible clarté, il poursuit dans la même veine, à la manière du XVIIe siècle, loin de la tendance naissante de l’impressionnisme. Il peint des gens du peuple au travail (La Tricoteuse, La petite laitière, Le Petit Savoyard et nombre de cuisiniers…), immortalisant ses contemporains dans une peinture de genre qui satisfait au principe essentiel des réalistes. Ses portraits (pour la plupart des anonymes) cherchent à saisir la vérité psychologique des êtres et portent, par leur contraste entre clarté et obscurité, l’empreinte de Rembrandt et du Caravage.
De son grand intérêt pour la nature morte réaliste, dans la lignée de Chardin maître en la matière, naissent de nombreuses compositions centrées sur les victuailles du quotidien : citrouille, citrons, rognons, poissons, oignon, œufs (fabuleuse Nature morte aux œufs sur le plat), etc. Un reflet de la simplicité de sa vie, d’une austère beauté, mais qui témoigne aussi de ses affinités avec la peinture espagnole du Siècle d’Or. Comme le souligne Emmanuelle Delapierre, directrice et conservatrice du musée des beaux-arts de Caen, dans le catalogue de l’exposition : « la proximité de Ribot avec les œuvres de jeunesse de Diego Velázquez est manifeste dans le choix des récipients de terre (…) ». On ressent aussi l’intérêt de Ribot pour d’autres peintres espagnols : Ribera, tant dans la composition que dans le traitement de la lumière, et Zurbaran (Nature morte au bol de chocolat, vers 1640) dans l’épure des arrangements des natures mortes

Dans les années 1860, Ribot commence à être davantage reconnu et exposé. Il reçoit même le soutien de l’État pour des compositions religieuses. Un coup de pouce bienvenu pour nourrir sa famille. Loin des scènes théâtrales, il préfère la sobriété de tableaux inspirant la piété, ou la pitié, comme ce Saint Sébastien, martyr (1865), dont la dramaturgie exprimée par le visage livide et la blessure profonde du blessé secouru par deux personnages appellent la compassion du spectateur.
Si Ribot apparait tardivement sur le marché de l’art à quarante ans, ayant été obligé de cumuler des activités pour vivre, et de travailler comme copiste au Louvre pour le compte d’un marchand d’art, les musées commencent à acquérir ses œuvres à partir de 1865 et les collectionneurs leur emboitent le pas.

Cette grande et belle rétrospective met en lumière le talent et la singularité de l’œuvre de Ribot aujourd’hui inconnu du grand public, alors même que ses toiles peuplent les musées français et étrangers. Organisé par thèmes, le parcours confronte ses toiles à celles de ses contemporains, Eugène Boudin, Jean-François Millet, Gustave Courbet ou François Bonvin qui partagent un même goût pour les traditions populaires, les petites gens et s’inspirent de sources communes. Et à celles de maîtres qu’il admirait : Jean Siméon Chardin, Mattia Preti, Gianbattista Langetti ou Jusepe de Ribera. Un artiste libre, généreux et émouvant à découvrir.

Catherine Rigollet

 Catalogue Lienart Éditions, 2021. 256 pages. 30€

Visuels : Théodule Ribot, Jeune fille à la guitare, (s.d, vers 1865 ?). Huile sur toile, 56 x 46 cm. Troyes, musée des beaux-arts Saint-Loup.
Théodule Ribot, Nature morte à la citrouille et aux prunes, cerises et figues avec pot. (s.d, vers 1854-58 ?). Huile sur toile, 60,4 x 73,5 cm. Bilbao, Museo de Bellas Artes.
Théodule Ribot, Nature morte aux œufs sur le plat. Huile sur toile, 59 x 73,5 cm. Senlis, musée d’art et d’archéologie.

Archives expo en France

Visuels de l'artiste
Infos pratiques

Du 11 juin au 4 octobre 2022
Musée des beaux-arts
Le Château, 14000 Caen
Du mardi au vendredi, 9h30 à 12h30 et 13h30 à 18h
Le week-end et jours fériés : 11h-18h
Tarif 5,50€ (TR : 3,50€) expositions et collections
www.mba.caen.fr


 À voir aussi au musée des Beaux-Arts : Gérard Traquandi. L’approbation de la nature. De grandes toiles abstraites qui opposent elles aussi clarté et obscurité, ombre et lumière, comme celle solaire et éblouissante de Marseille, port d’attache de l’artiste depuis sa naissance en 1952. Jusqu’au 4 septembre 2022.