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Trésors Médiévaux du Victoria & Albert Museum : Quand les Anglais parlaient français

À l’époque médiévale, on guerroyait mais on s’épousait en des alliances aussi royales que stratégiques, et les échanges sociaux et artistiques entre l’Angleterre insulaire et l’Europe continentale étaient féconds et florissants. À cette époque, les souverains anglais s’exprimaient en français, langue imposée par les monarques normands qui succédèrent à Guillaume le Conquérant sur le trône d’Angleterre, amenant avec eux, de France, au 11e siècle et une bonne moitié du 12e siècle, une élite religieuse ou militaire.

Le Cheikh qatari Hamad bin Abdullah Al Thani est partenaire de certains musées heureux d’exposer leurs richesses hors les murs. C’est le cas, après les œuvres de la Ca’ d’Oro de Venise et le musée Gulbenkian de Lisbonne, pour les 70 artefacts prêtés par le Albert and Victoria Museum, musée londonien exceptionnellement riche en arts décoratifs.
Il faut traverser deux salles de la collection Al Thani – la première, spectaculaire pour la mise en scène de sept sculptures de petit format de toute beauté et la seconde offrant des bustes de toutes époques pour une véritable garde d’honneur – avant de découvrir les objets venus de Londres.

La première partie illustre la richesse des créations monastiques. Grâce aux copistes dans les monastères, textes et idées se diffusent par la recréation de manuscrits, comme l’atteste le superbe Folio du psautier d’Eadwine (1155-1160) qui réussit l’exploit de faire tenir sur une seule page de 39 x 29 cm, inspirée du Psautier d’Utrecht du 9e siècle, vingt scènes néotestamentaires. Les reliques sont conservées dans de précieux reliquaires, que les prélats en mission diplomatique peuvent offrir des deux côtés de la Manche. La Châsse de Saint Thomas Becket (Limoges, fin du 12e siècle) avec des scènes émaillées de son meurtre (à la cathédrale de Canterbury le 29 décembre 1170, son enterrement et sa montée au ciel, contribue à la diffusion de son culte.

Vers 1300, Paris est déjà la capitale du luxe ; bijoux, orfèvrerie et petits ivoires sont disséminés en Europe et en Angleterre mais il est aujourd’hui difficile de distinguer ceux qui furent aussi produits en Angleterre (Christ crucifié en ivoire d’éléphant, Angleterre ou France, 1275-1300). En revanche, viennent d’Angleterre les travaux de broderie au fil d’or ou d’argent, connus sous le nom de « opus anglicanum ». Le plus souvent d’utilisation liturgique, on les admire au Vatican ou dans les trésors des cathédrales d’Europe, tout comme les objets et statues d’albâtre peint ou doré. En passant, on apprend que la cathédrale de Canterbury, comme la Tour de Londres, furent construites avec un matériau venu du continent, la pierre de Caen.

La dernière section s’attache au commerce et aux échanges facilités par la Manche et la mer du Nord. Artisans et matériaux viennent de France pour travailler sur les projets architecturaux ; l’ivoire de morse provient de l’Europe septentrionale, et les objets du quotidien fabriqués sur le continent ornent les tables anglaises (Vase en majolique, Italie, 1480-1510).
Une exposition pour un art médiéval aussi varié que raffiné que l’on découvrira avec peut-être un peu de surprise, mais surtout beaucoup d’admiration.

Elisabeth Hopkins

Archives expo à Paris

Infos pratiques

Du 30 juin au 22 octobre 2023
PROLONGATION JUSQU’AU 7 JANVIER 2024
Hôtel de la Marine / Al Thani Collection
2 place de la Concorde, 75008 Paris
Ouvert tous les jours de 10h30 à 19h
Entrée : 11,50€ (pour l’exposition seulement)
https://www.hotel-de-la-marine.paris/


Visuels :
 « Ciboire de Balfour », Angleterre, 1150-1175. Alliage de cuivre doré, émail champlevé, H.18,3 ; D.17,3 cm. Victoria and Albert Museum. Acquis grâce au National Heritage Memorial Find.
 « Châsse de saint Thomas Becket », Limoges, 1180-1190. Cuivre doré, émail, bois, cristal de roche, verre, 29,5 × 34,4 × 12,4 cm. Victoria and Albert Museum. Acquis grâce à l’aide du National Heritage Memorial Fund, avec la participation de la Po Shing Woo Foundation, de The Art Fund, des Friends of the V&A, des héritiers de T. S. Eliot, du Headley Trust et de nombreux dons privés.
 « Broche », Europe (France ?), 1400-1450. Or, émaux spinelle, diamants, 2,4 x 2,3 x 1,7 cm. Victoria and Albert Museum. Acquis grâce à l’aide du Hildburgh Fund, et de William & Judith, Douglas et James Bollinger.
 « Christ crucifié ». Angleterre ou France (Paris), vers 1275-1300. Ivoire d’éléphant, 24,3 x 7,8 x 3,9 cm. Victoria and Albert Museum. Ivoire d’éléphant, 24,3 × 7,8 × 3,9 cm.
 « Vase en majolique ». Italie, Toscane ? 1480-1510. Faïence à glaçure stannifère. 18,2 × 9,5 cm. Victoria and Albert Museum, Victoria and Albert Museum.