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Trésors de Banlieues 2025. Couronnes d’humanité

C’était un pari audacieux ; ce fut un pari réussi ! La première édition de l’exposition Trésors de Banlieues à l’automne 2019 dans l’impressionnante Halle des Grésillons, jouxtant le théâtre de Gennevilliers, a été un indéniable succès par son affluence (plus de 22 000 visiteurs) et ses retombées médiatiques. Cette proposition d’exposition artistique inédite avait déjà permis de faire sortir des oubliettes de leurs hôtels de ville, fonds d’art ou musées locaux plusieurs centaines d’œuvres méconnues. Il ne faisait guère de doute qu’un second volet s’ouvrirait quelques années plus tard. La même équipe, dont le commissaire Noël Coret et le collectif de scénographes Au Fond à Gauche, s’est reconstituée autour de l’association organisatrice L’Académie des Banlieues pour mettre sur pied cette édition 2025 de Trésors de Banlieues intitulée « Couronnes d’humanité », allusion aux « couronnes » qui entourent les villes et à l’humanité, plus précieux joyau de ces couronnes (*).

Autre signe de la reconnaissance de cette initiative : le nombre et la qualité de prêteurs se sont considérablement élargis en cinq ans, passant de plus de soixante à près de cent (dont 61 collectivités territoriales majoritairement franciliennes, douze musées, dix associations et fondations, une quinzaine de particuliers). Cette exposition est d’ailleurs labellisée par le ministère de la Culture et soutenue par la DRAC Île-de-France. Par l’intermédiaire du fonds de dotation Artutti, vingt-trois entreprises mécènes ont financé presque l’intégralité de l’exposition, même si la logistique et l’organisation ont été assurées par la ville de Gennevilliers et l’Académie des Banlieues, ce qui explique la gratuité de l’entrée et le prix modéré (20 €) de son catalogue illustré très complet.

Entre 2019 et cette année, Trésors de Banlieues #2 a dû changer d’écrin. Le nouveau site et le bâtiment industriel qui l’occupe, dit Usine Chanteraines, ont été habillés par des street-artistes, notamment la fresque Minerva de Kanos qui couvre tout un mur extérieur, rendant ainsi visible ce lieu dont la destination première n’était pas culturelle… Pourtant ce lieu a une histoire puisque l’entreprise Balas y a assemblé entre 2023 et 2024 les éléments de charpente de la flèche de Notre-Dame de Paris à partir d’un prototype dont une partie est exposée dans la section « D’églises en cathédrales ». En effet, l’exposition compte onze thématiques (**) dévoilant ainsi la diversité et la richesse de la production artistique et artisanale en banlieue car, à côté des œuvres d’art, de nombreux objets du quotidien, décoratifs ou d’ameublement, sont présentés, donnant à cette seconde édition une dimension sociologique que n’avait pas sa devancière.

Bien qu’une thématique spécifique leur soit consacrée, les portraits occupent une place majeure et transversale dans l’exposition. Autre particularité de cette « saison 2 », la présence d’œuvres d’une quinzaine d’artistes contemporains, dont deux œuvres originales, Pour Corneille & Friends d’Astrée Lhermitte et Comme l’humanité est faite, elle danse de l’artiste gennevillois Alexandre Akar. On tombe d’ailleurs sur ce dernier triptyque dès le vestibule de l’exposition face à la salopette iconique de Coluche sculptée par Guillaume Werle pour la ville de Montrouge. Humanité et solidarité sont deux fils conducteurs du parcours, sachant que Coluche a ouvert son premier Resto du cœur francilien à Gennevilliers en décembre 1985. Passée cette entrée, au centre du dispositif scénographique, trois grandes structures arrondies, comme trois longues cimaises courbes, parviennent à casser les lignes trop droites du bâtiment. Au cœur de ces trois courbes trône la reconstitution du « Roastbeef », un des voiliers de course dessinés par Caillebotte, qui était aussi régatier et architecte naval, conseiller municipal de Gennevilliers où il est mort en 1894. De ce « bateau ivre », le visiteur peut commencer un parcours tourbillonnant parmi les trois cents œuvres et objets les plus beaux et les plus inattendus, dans des confrontations saugrenues qui libèrent émotion et imagination, un voyage dans le temps et l’espace, entre rêve et réalité. Tant de trésors pour sublimer les banlieues !

Jean-Michel Masqué

Archives expo à Paris

Infos pratiques

Du 15 février au 13 avril 2025
Usine Chanteraines
92, avenue du Général-de-Gaulle, Gennevilliers (92).
Du mardi au dimanche de 9h à 18h30. Entrée libre.
Visites guidées le week-end à 15h et 17h, pour les individuels et les familles, sur réservation au 06 23 61 50 62.
Visite de groupe possible sur réservation au 06 23 61 50 62.
Animations artistiques les samedis après-midis de mars et avril.
www.ville-gennevilliers.fr/tresors-de-banlieues
Catalogue de l’exposition, Terre En Vue éditions, 244 pages, 20 euros.


Visuels :

 Jean Solé, La banlieue, 1984, couverture du magazine « Chic » (collection particulière).

 Auguste Rodin, La France (ville de Meudon)

 Ferdinand Gueldry, Scène de canotage près du pont de Bry-sur-Marne, 1900 (Musée intercommunal de Nogent-sur-Marne)

 Boris Taslitzky, Scène de grève aux usines Renault, 1938 contre le Traité de Munich, 1939 (Musée des années 30, Boulogne-Billancourt).

 Alphonse Osbert, Vers l’avenir, 1913 (ville de Bourg-la-Reine).

 Anonyme d’après Simon Vouet, Repos pendant la fuite en Égypte (ville de Louvres)

 Kanos, Minerva, fresque sur l’usine Chanteraines, Gennevilliers.


(*) « De fait, le véritable trésor des banlieues, c’est bien l’humanité qui vit, travaille ou transite en banlieue et qui façonne en permanence ce Tout-monde cher au poète martiniquais Édouard Glissant, état de mondialité en mouvement permanent et dans lequel se manifeste, dans les banlieues plus que nulle part ailleurs, la mise en relation accélérée des peuples et des cultures. Les banlieues sont bien ce laboratoire privilégié où “les cultures humaines en leur semi-totalité sont entièrement et simultanément mises en contact et en effervescence de réaction les unes avec les autres.” (Édouard. Glissant, Traité du Tout-monde, 1997). » Noël Coret, catalogue de l’exposition, p.11.

(**) Les onze thématiques : Une enfance en banlieue, Logement et cadre de vie au cœur des inégalités sociales, D’églises en cathédrales : un mobilier d’exception, Napoléon, ex « petit caporal et « Napoléon le petit » : fétiches de l’Empire en banlieue, Mémoires familiales, paysannes et ouvrières du siècle dernier : images et objets, Figures de la République en banlieue, d’Auguste Rodin à Hervé di Rosa en passant par Jean Solé, 1870, 14-18, 39-45, 46-54, 54-62 : des chiffres et des larmes, Le Bestiaire des Banlieues, La banlieue dans la lumière des impressionnistes : avant, pendant, après Gustave Caillebotte, Quand les portraits composent la plus belle parure des banlieues : l’humanité dans sa diversité, Arts décoratifs et ameublement d’art.