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Trésors de Venise. La collection Cini s’expose à Aix-en-Provence

Point besoin d’aller à Venise, Venise vient à vous. Les 90 œuvres exposées ici, acquises par le collectionneur italien Vittorio Cini (1885-1977), proviennent d’un petit palais situé à mi-chemin entre l’Accademia et la Fondation Peggy Guggenheim, sur le Grand Canal, et du siège de la Fondation Giorgio Cini, sur l’île de San Giorgio. Talentueux lorsqu’il s’agissait de choisir les plus belles œuvres, et avisé lorsque des experts tels Bernard Berenson ou Nino Barantini le conseillaient, Cini a construit une collection éclectique, incluant peintures, œuvres sur papier, meubles, porcelaines et miniatures.

Personnage intéressant que ce Vittorio Cini, qui entame sa collection alors qu’il n’a que 20 ans et travaille dans la finance. Officier de cavalerie pendant la première guerre mondiale, il reprend l’entreprise paternelle et en fait une tête de pont de l’armement et du secteur maritime. Devenu grand entrepreneur à l’échelle européenne, il est nommé membre du Sénat et chargé de l’organisation de la Foire Universelle qui se tiendra en 1942. Parce que Cini, devenu ministre, critique sa politique de guerre, Mussolini l’envoie à Dachau. Libéré par son fils, il se réfugie en Suisse où il finance les mouvements de Résistance. Pour la petite histoire, il acquiert le Palazzo Grassi en 1940 mais le revend en 1949 (le palais est aujourd’hui propriété de la Fondation de François Pinault).

L’exposition montre des œuvres de choix ponctuées par quelques œuvres contemporaines de trois artistes, Ettore Spalleti (italien), Vik Muniz (brésilien) et Adrian Ghenie (roumain). On avait vu ce dernier à la Fondation Cini lors de la 58e Biennale, en 2019. Leurs œuvres, sculpture minimaliste pour Spalleti, dessins pour Muniz et peinture pour le peintre roumain sont en parfaite adéquation avec les œuvres Renaissance que ce soit par la couleur, la technique ou la thématique.

La première partie juxtapose peintures ferraraises (Cosmè Tura, peintre de la seconde moitié du Quattrocento), ivoires, émaux et enluminures. Hommage à la ville où Cini est né. Suit une sélection de « fonds d’or », œuvres de Giotto et de son élève, Taddeo Gaddi, acquisitions orientées par les conseillers de Cini. Ici, une figure d’un Christ rédempteur vêtu de rose du Siennois Sano di Pietro résonne parfaitement avec trois monochromes roses de Spalleti. À son tour, l’Autoportrait en Singe, 2015, de Ghenie, presque baconien et haut en couleurs, trouve sa place dans la salle réservée aux portraits classiques (Double portrait de deux amis, 1523-1524, de Pontormo) et aux caricatures de Tiepolo. À l’étage supérieur, sont rassemblées les peintures sacrées dues aux grands noms de la Renaissance à Sienne et à Florence, tels que Fra Angelico et Filippo Lippi. La Vierge et l’Enfant, c. 1470-1475, lumineuse mais hiératique, qui illustre les affiches, n’est pas définitivement attribuée. Est-elle de Luca Signorelli ou de Piero della Francesca ?

Une dernière grande salle est consacrée à quelques pages des Prisons imaginaires de Piranèse, créées à Venise au milieu du 18e siècle. Elles sont tirées des 24 volumes de gravures publiés à Paris au tout début du 19e siècle. Les prisons labyrinthiques, sabrées par des escaliers ne menant nulle part, des arches et des colonnes auxquelles s’accrochent des instruments, de torture peut être, des personnages dont on ne sait s’ils sont prisonniers ou gardes, ont inspiré l’artiste brésilien Vik Muniz, qui en offre une version moins oppressante, plus lumineuse avec des photos de ses recréations en fil de fer et punaises de ces lieux de détention.

Si l’intitulé de la dernière salle est quelque peu emphatique, affublant Cini du titre de « dernier des Doges », elle contient une exquise veduta à l’aquarelle rehaussée à l’encre de l’île de San Giorgio, siège de la Fondation Cini. Eaux calmes, ciel turbulent, on ne peut manquer de se croire au bord de la lagune…

Elisabeth Hopkins

Visuels :
Jacopo Carucci, dit Pontormo, (Pontormo (Empoli), 1494 - Florence, 1555), Double portrait de deux amis, 15231524, huile sur panneau, 88 × 67,5 cm, Fondation Giorgio Cini, Galerie du palais Cini.
Attribué à Piero della Francesca (Borgo San Sepolcro entre 1412 et 1420 – 1492) ou Luca Signorelli (Cortone, vers 1450 – vers 1523), La Vierge et l’Enfant, vers 1470-1475, tempera et huile sur bois, 61,8 × 53,3 cm, Fondazione Cini, Galleria di Palazzo.
Lorenzo Tiepolo (Venise, 1736 – Madrid, 1776), Tête d’Oriental, 1753-1755, huile sur toile 61 × 51 cm, Fondazione. Giorgio Cini, Galleria di Palazzo Cini (dépot des héritiers Guglielmi di Vulci).
Cosmè Tura (Ferrare, vers 1433 – 1495), Saint Georges, vers 1475-1480, huile sur bois, 21,6 × 13 cm, Fondazione Giorgio Cini, Galleria di Palazzo Cini. (dépot des héritiers Guglielmi di Vulci),
Photos : Venezia © Fondazione Giorgio Cini.

Archives expo en France

Visuels de l'artiste
Infos pratiques

Du 19 novembre 2021 au 27 mars 2022
Hôtel de Caumont-Centre d’Art
3, rue Joseph Cabassol 13 100 Aix-en-Provence
Ouvert tous les jours, y compris les jours fériés
De 10h à 18h.
Entrée : 14,50 €
www.caumont-centredart.com