Vous consultez une archive !

Dans la lumière de Turner

Peintures et aquarelles, collections de la Tate

Ce fut un legs exceptionnel. La Tate de Londres est aujourd’hui dépositaire des œuvres offertes à la nation britannique par Joseph Mallord William Turner (1775-1851), initialement une centaine d’huiles auxquelles s’ajoutèrent des dizaines de milliers de dessins et d’aquarelles trouvées dans son studio et à son domicile. Les œuvres exposées ici, soit une cinquantaine d’aquarelles, ponctuées de dix huiles, à l’exception d’une toile appartenant au National Trust, proviennent de ce fonds.

Les commissaires ont choisi de révéler deux Turner : le peintre officiel, membre de la Royal Academy, acceptant les commandes et figurant dans les salons, et le peintre secret, préservant l’intimité de ses aquarelles, qu’il voulait “propositions esthétiques” et non pas esquisses, et qu’il peignait, selon le critique d’art John Ruskin, pour “son plus grand plaisir”.

Encore élève à la Royal Academy, travaillant pour des architectes, Turner part chaque été, carnets de dessin à la main, pour explorer le Royaume Uni, jusqu’à l’Écosse. À cette époque, le blocus continental empêche les voyages sur le continent et la peinture aux connotations patriotiques est en vogue. Ses aquarelles de châteaux puis de paysages seuls trouvent facilement acquéreur et fondant sa notoriété. Une brève accalmie dans le conflit franco-britannique lui permet de découvrir les Alpes suisses, mais c’est surtout sur les bords de la Tamise qu’il travaille, ouvrant une galerie à Londres pour ses huiles et ses œuvres sur papier. Il y montre une vue à l’huile du Pont de Richmond nimbé d’une brume bleutée, dont la composition et les personnages rappellent Claude Lorrain, le peintre français qu’il admirait (Vue de Richmond Hill et d’un pont, exposé en 1808). Quand il peut voyager sur le Continent de manière plus prolongée, Turner définit plus précisément son exploration de la lumière et de la couleur. Il peint les villes, les paysages à l’aquarelle et la gouache, sur des feuilles de papier bleu. Il faut reculer ici de quelques pas, malgré leur petit format, pour en apprécier la profondeur, la luminosité, et la légèreté. Cette touche esquissée, on la retrouve dans les “colour beginnings”, études peintes dans son studio (Turner peignait peu sur le motif) où il joue avec la couleur “jusqu’au moment où il a fini de dire ce qu’il avait en tête”. Nous les voyons aujourd’hui comme des œuvres atmosphériques achevées.

À la fin de sa carrière, Turner crée ses plus belles aquarelles pour une clientèle de connaisseurs. Venise, après un dernier voyage en 1840, est peinte de jour, de nuit, sous le soleil ou baignée de lune, l’eau et le ciel se confondant en une seule coulée transparente contenue par les bâtiments. Et ses montagnes se reflètent dans les lacs suisses, offrant comme un avant-goût de scènes similaires aux couleurs pastel de Ferdinand Hodler dans les premières décennies du siècle suivant (Lake Geneva, with the Dent d’Oche, from above Lausanne, 1841)

L’exposition se termine sur deux superbes marines à l’huile. La touche du peintre s’y fait plus épaisse, plus gestuelle, moins figurative. Ce sont moins les yachts ou les dauphins dont la présence est attestée par les cartels que la luminosité vaporeuse du ciel et les reflets de l’eau qui captivent le regard et y persistent un bon moment.

Elisabeth Hopkins

Archives expo à Paris

Visuels de l'artiste
Infos pratiques

Du 13 mars au 20 juillet 2020
PROLONGATION JUSQU’AU 11 JANVIER 2021
Mais avec des modalités spéciales de visite !
Musée Jacquemart-André
158 bd Haussmann - 75008
Tous les jours, de 10h à 18h
Nocturne les lundis jusqu’à 20h30
Entrée : 15 €
www.musee-jacquemart-andre.com


Visuels : J. M. W. Turner, Vue des gorges de l’Avon, 1791, crayon, encre et aquarelle sur papier, 23,1 x 29,4 cm. Tate, accepté par la nation dans le cadre du legs Turner 1856, Photo © Tate.
J. M. W. Turner, Un paysage italianisant idéalisé avec des arbres au-dessus d’un lac ou d’une baie, éclairé par un soleil rasant, vers 1828–1829, aquarelle sur papier, 31,2 x 43,9 cm, Tate, accepté par la nation dans le cadre du legs Turner 1856, Photo © Tate.
J. M. W. Turner, Venise, la Piazzetta avec une cérémonie du Doge épousant la mer, vers 1835, huile sur toile, 91,4 x 121,9 cm. Tate, accepté par la nation dans le cadre du legs Turner 1856, Photo © Tate.