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Vivian Maier. De l’ombre à la lumière

Photographe inconnue sa vie durant, c’est peu après sa mort que les 120 000 clichés de Vivian Maier ont été révélés au public. Une œuvre inouïe qui dormait dans les cartons d’un garde-meuble américain jusqu’à ce qu’un jeune agent immobilier, John Maloof, la découvre, mette un nom dessus, remontant ensuite l’itinéraire de cette mystérieuse photographe-amateur. Les premiers tirages, mais aussi des films en super 8 et 16 mm, des enregistrements et une multitude de pellicules non développés attestent qu’on se trouve face à une artiste de la Street Photography de la carrure de Diane Arbus, Robert Franck, Helen Lewitt ou Garry Winogrand. Une très grande photographe. Mais qui est Vivian Maier ?

Née à New York, en 1926, d’un père d’origine austro-hongroise et d’une mère française, Vivian Maier est gouvernante d’enfants sa vie durant. Mais sa grande passion, c’est la photographie. Elle la pratique au quotidien avec son Rolleiflex, portant son regard et son objectif sur ce qui l’entoure : des scènes du quotidien dans les quartiers ouvriers des villes où elle réside, ce théâtre de l’anecdotique peuplé de gens ordinaires qu’elle transforme en vivantes chroniques de trottoir : un commerçant assis devant sa boutique fumant son cigare ; une religieuse prenant le frais à l’ombre d’un immeuble ; des promeneurs de dos et des passants de face, visages saisis de manière frontale, presque yeux dans les yeux ; des enfants jouant dans la rue…
Comme si elle était aux aguets, Vivian Maier capture l’instant fugace et appuie sur l’objectif à l’instant précis où l’homme baille, une jupe se soulève, deux femmes se frottent la joue en même temps ; deux femmes et un homme se penchent sur un journal (un motif récurrent dans son œuvre)…Ces instants décisifs fait de spontanéité et d’intuition. « Si on veut, on n’a rien, il ne faut pas vouloir, il faut être disponible, réceptif » expliquait Henri-Cartier-Bresson (1908-2004), l’œil du siècle en la matière. Vivian Maier n’est jamais aussi émouvante que lorsqu’elle photographie les passants.

Elle se portraitise aussi beaucoup face à des vitrines, dans des miroirs. Ombres et reflets peuplent d’ailleurs son corpus photographique. Elle zoome sur des objets insignifiants comme une pile de journaux, un chapeau, des chaussures, le coin d’une fenêtre…Une mosaïque de natures mortes, parfois sans lieu, ni date. Comme de nombreux clichés de Vivian Maier qui ne s’embarrassait pas de documenter précisément son travail.
Ce qui l’intéresse, c’est ce qui se passe dehors, dans la ville. On sent chez elle une tendresse pour la vie simple, de l’attention pour ses semblables, tout particulièrement pour les oubliés du rêve américain comme cette petite fille aux joues sales, le regard triste, mais arborant une énorme montre au poignet, les bras croisés avec aplomb. Et Vivian Maier conserve cette empathie même quand avec une pointe d’humour elle surprend un homme qui ronfle sur un banc, fait un gros plan sur un postérieur qui déborde d’un siège, sur la jupe décousue d’une femme, sur des bas qui tortillent des mollets jusqu’aux chevilles.

Grande femme mince au visage plutôt ingrat et triste, reconnaissable avec son chapeau aux bords flottants, Vivian Maier est sans cesse en mouvement. Elle parcourt les quartiers de New-York et de Chicago. Elle se rend en Floride et au Canada et s’offre même en 1959 un voyage de six mois à bord d’un cargo mixte, faisant escale dans plusieurs ports d’Asie, d’Afrique et d’Europe. Elle revient avec plus de 5 000 clichés de cette aventure qui révèle sa curiosité, son courage et une indépendance d’esprit peu ordinaire. D’abord en noir et blanc, puis en couleurs à partir des années soixante avec un Leica 35mm et dans un format désormais rectangulaire, elle jouera toute sa vie sa petite partition personnelle.
Le destin incroyable d’une photographe-amateur brillante, sans ambition autre que satisfaire sa passion, et dont l’œuvre suscite aujourd’hui admiration et émotions.

Catherine Rigollet

Visuels : Vivian Maier, Autoportrait, New-York, 1954. Tirage argentique, 2012.
Vivian Maier, New York, v.1953. Tirage argentique, 2012.
Vivian Maier, Chicago, IL, 1954, tirage argentique, 2014.
Vivian Maier, Canada, 1955. Tirage argentique, 2012.
Vivian Maier, Chicago, 1968. Tirage argentique, 2014.
© Estate of Vivian Maier, Courtesy of Maloof Collection and Howard Greenberg Gallery, NY.

 Dans le prolongement de l’exposition présentée au musée du Luxembourg, le Musée de Pont-Aven programme de la photographie et s’associe à son voisin quimpérois pour proposer une exposition sur deux lieux présentant une nouvelle sélection de photos de l’artiste. À Quimper, le visiteur sera conduit du New York au Chicago des années 1950-1960, tandis qu’à Pont-Aven, l’autoportrait, sujet récurrent chez Vivian Maier sera exploré dans son intégralité.
Du 4 février 2022 au 29 mai 2022.

Archives expo à Paris

Visuels de l'artiste
Infos pratiques

Du 15 septembre 2021 au 16 janvier 2022
Musée du Luxembourg
19, rue de Vaugirard – 75006 Paris
Tél. 01 40 13 62 00
Tous les jours de 10h30 à 19h
Nocturne le lundi jusqu’à 22h
Tarif plein : 13€
www.museeduluxembourg.fr