Depuis plus de 30 ans, Yinka Shonibare CBE (né en 1962 à Londres, élevé au Nigeria dans une famille aisée) utilise l’histoire de l’art et la littérature occidentales pour explorer la culture contemporaine et les identités nationales et exprimer par son art le côté positif de l’Afrique. « Suspended States » est la première exposition personnelle de l’artiste à Londres depuis plus de 20 ans. Toujours avec cet humour et ces tons joyeux délibérément choisis pour dénoncer l’impact du colonialisme britannique, cet artiste contraint de se déplacer en fauteuil roulant et qui revendique son handicap physique comme partie intégrante de son identité depuis sa jeunesse, présente de nouvelles œuvres, réinterprétant l’iconographie occidentale à un moment de l’histoire où le nationalisme, le protectionnisme et l’hostilité envers les étrangers sont en hausse.
À côté de ses œuvres désormais célèbres de sa série de sculptures Decolonised Structures (des reproductions à taille humaine d’imposantes statues visibles dans les espaces publics londoniens, notamment celle de la reine Victoria, dont le règne a largement contribué à l’expansion de l’Empire britannique et qu’il couvre avec humour de fleurs hippies, ou encore celle d’Herbert Kitchener à cheval, recouverte d’un motif floral rose et mauve, une douceur paradoxale pour ce maréchal britannique qui mit en place des camps de concentration durant la seconde guerre des Boers et pratiqua la politique de la terre brûlée), deux nouvelles installations majeures sont présentes à Serpentine South. Sanctuary City (2024) est composé de bâtiments miniatures installés dans une salle obscure et illuminés de l’intérieur. De Notre-Dame de Paris au Temple of Hephaïstos à Athènes, ils représentent des lieux présumés de refuge pour les groupes persécutés et vulnérables. The War Library (2024) se compose de 5 000 livres reliés en cire néerlandaise représentant les conflits et les traités de paix. Tout au long de l’exposition, l’utilisation du wax (la cire hollandaise) symbolise la relation enchevêtrée entre l’Afrique et l’Europe. Ce tissu aux couleurs vives a été inspiré par les motifs de batik indonésiens, produit en série par les Néerlandais et finalement vendu aux colonies britanniques d’Afrique de l’Ouest, où il a ensuite été appelé « imprimé africain ». L’idée que ce tissu lié désormais à l’identité africaine ne soit pas africain a ravi et inspiré Shonibare. Le wax est désormais un signe distinctif de son travail.
Catherine Rigollet
– L’artiste qui aime ajouter à son nom ses titres CBE RA (Commander of the Most Excellent Order of the British Empire et Royal Academician), a acquis une renommée internationale et ses œuvres font partie de collections muséales prestigieuses, notamment la Tate Collection et le Victoria and Albert Museum, Londres, le Musée national d’art africain du Smithsonian Institute à Washington, D.C. et le Museum of Modern Art à New York. Mais Shonibare est aussi un artiste engagé socialement, le Guest Artist Space (G.A.S.) qu’il a lancée au Nigeria en 2019, est une fondation qui accueil des artistes en résidence à Lagos et Ijebu et soutient des créatifs africains, mais aussi internationaux.