On oubliera les échafaudages sur les façades de la cour intérieure du château d’ Écouen (Val d’Oise) pour pénétrer dans les appartements de Catherine de Médicis. Ils offrent un cadre approprié à ces quelque 160 œuvres françaises -sculptures, moulages, peintures, gravures, monnaies - consacrées au cheval (ou, bien souvent, au portrait équestre). Représentations d’un cheval monté ou attelé, ce qui exclut toute scène de mythologie et permet de définir précisément le portrait équestre, à savoir un personnage historique réel, accompagné d’un équidé.
En selle pour un parcours sans obstacle !
À la Renaissance, le cheval, moyen de locomotion privilégié, permet aux élites de se mettre en scène, soit dans des cérémonies ou festivités diverses, soit en preux chevaliers incarnant le combattant idéal, thème déjà exploité par les artistes italiens, en peinture et en sculpture. Lors des guerres d’Italie, dans la première moitié du XVIe siècle, malgré les hauts faits de l’artillerie et de l’infanterie, le cavalier reste dominant dans l’iconographie. Simultanément, cavaliers et montures abandonnent leur fougue guerrière pour figurer dans les fêtes de cour ou les parades. C’est vers 1540 que les peintres Jean et François (son fils) Clouet dépeignent François Ier, en armure d’apparat, monté sur un cheval « au passage » (un trot lent diagonalisé), en tenue d’apparat lui aussi (plumail, queue tressée) (François 1er à cheval, vers 1530). Le petit format du tableau ou de la miniature et l’éloignement manifeste du champ de bataille n’ôtent rien à la majesté de la scène. Lors des guerres de religion, le cheval reste le héros des batailles, mais les gravures incluent maintenant du texte, forme de journalisme avant l’heure. Avec les Bourbons, entrent en scène les chevaux bondissant. Henri IV les chevauche fièrement sur papier (Henri IV sur un cheval dressé, Antonio Tempesta, graveur, 1595), en bronze (Henri IV sur un cheval cabré, Barthélémy Prieur, n.d.) ou en médaille, dans une iconographie symbolique. Les représentations peintes, de petit format, ne font pas défaut. Chevauchant son fameux cheval blanc (en hippologie, le cheval blanc n’existe pas), Henri IV bondit par-dessus un enchevêtrement d’hommes et de chevaux terrassés (La bataille d’Arques, vers 1600, sans attribution).
La statue équestre au XVIe siècle est le plus souvent placée au-dessus des portes d’entrée des châteaux ou des monuments et ce n’est qu’au XVIIe siècle que la statue équestre de grande taille, qui reste un véritable exploit technique malgré les modèles italiens, voit le jour. La statue de bronze d’Henri IV, commandée par Marie de Médicis, sort d’ailleurs de l’atelier florentin de Giambologna et est installée à Paris quatre ans après la mort du roi. Détruite à la Révolution, il ne reste que quelques fragments d’une jambe du cheval, du bras du roi, de son collier, que l’on peut voir ici.
Les femmes en selle
À signaler, quelques femmes de haut rang, telles Marie de Bourgogne ou Marie de Médicis, se font représenter à cheval, en amazone, et quelques prélats de même, chevauchant plus humblement une mule en souvenir, pense-t-on, de l’entrée du Christ à Jérusalem.
Elle est discrète, mais on s’y arrêtera avec plaisir. Une simple feuille de papier (français, si l’on en croit le filigrane) où Léonard de Vinci jeta quelques fines esquisses de chevaux avec leurs cavaliers pendant son séjour en France, on ne sait ni pour quel commanditaire ni pour quelle technique : médaille, statue ou monument funéraire ? (Études pour un monument équestre, vers 1517-1519)
Bien sûr, on regrettera que les façades sur la cour intérieure du château soient cachées pour les besoins d’une restauration qui devrait être terminée en 2027. Le musée national de la Renaissance fêtera alors ses 50 ans, avec une exposition consacrée au Grand Connétable Anne de Montmorency, qui fit construire le château à partir de 1538. Mais l’exposition vaut le déplacement, facile depuis Paris.
Elisabeth Hopkins