Elles se nomment Anna Julie Bass, Charlotte Besnard, Marie Cazin, Laure Coutan-Montorgueil, Agnès de Frumerie, Lucienne Gillet, Madeleine Jouvray, Jessie Lipscomb, Jane Poupelet, Yvonne Serruys...Françaises ou étrangères, elles ont été les camarades d’atelier, les amies, ou parfois les rivales de Camille Claudel. Certaines l’ont précédée, d’autres lui ont succédé. Si Camille Claudel par son immense talent, sa liaison avec Rodin et la dramaturgie de sa vie, depuis ses débuts dans le Paris cosmopolite des années 1880 jusqu’à son internement en mars 1913, les a éclipsées, elles aussi se sont illustrées dans le domaine de la sculpture, malgré les obstacles liés à leur condition de femme. Souvent invisibilisées aussi du fait de leur statut de fille de, ou d’épouse de, telles Charlotte Besnard épouse du peintre Albert Besnard ou Marie Cazin épouse du peintre Jean-Charles Cazin.
Le musée Camille Claudel de Nogent-sur-Marne fait sortir de l’ombre une vingtaine de ces artistes souvent méconnues et dont les traces sont ténues. Grâce à des prêts nationaux et internationaux, près de 90 objets (sculptures, mais aussi portraits peints, dessinés ou photographiés des sculptrices, ainsi que photographies et correspondances) les font revivre. Le parcours aborde les formations artistiques auxquelles elles avaient accès en ce tournant du XXe siècle, éclaire sur les relations -amicales ou conflictuelles- que Camille Claudel entretenait avec certaines d’entre elles, qui travaillaient au sein de l’atelier de Rodin ou qui partageaient son propre atelier rue Notre-Dame des Champs à Paris. Il révèle aussi quelques-unes des stratégies qu’elles ont dû déployer pour se faire une place dans ce milieu dominé par les hommes, jusqu’à prendre un pseudonyme masculin pour exposer au Salon, comme Jane Poupelet qui s’est vu attribuer une médaille de bronze. L’aurait-elle reçue en s’appelant Jane ? Le commissariat scientifique de l’exposition est assuré par l’historienne de l’art Anne Rivière, autrice d’ouvrages de référence sur Camille Claudel et qui a mené des recherches pionnières sur les sculptrices, donnant lieu à la publication en 2018 d’un précieux Dictionnaire des sculptrices qui rassemble environ 3500 vies et œuvres d’artistes de toutes les nationalités, ayant travaillé de 1550 à 2000.
Catherine Rigollet






