Beauvais. Renaissance de la cathédrale inachevée

Chef-d’œuvre de l’architecture gothique avec sa voute culminant à 48,50 mètres (plus qu’ Amiens et Notre-Dame de Paris), Saint-Pierre de Beauvais qui célèbre ses 800 ans en 2025 a connu une histoire bien mouvementée. Victime d’un effondrement partiel de sa voûte en 1284, sa construction est ensuite perturbée par la Grande peste de 1348 et la guerre de Cent ans, puis c’est sa tour lanterne, haute de 80 m au-dessus du transept qui à peine achevée en 1569 s’effondre le 30 avril 1573, sans doute à cause d’une violente tempête, emportant une partie du transept et du chœur. Les bâtisseurs jettent l’éponge. Ce « Parthénon de l’architecture française » selon l’expression de Viollet-le-Duc ne sera jamais achevé, restant une curieuse cathédrale sans nef et sans flèche.

Ce n’est pas là sa seule originalité. Adossée à la cathédrale avec laquelle elle communique, subsiste étonnamment l’ancienne cathédrale carolingienne construite au Xe siècle, amputée elle-aussi d’une grande partie de sa nef à cause d’un incendie en 1225. Et c’est précisément « grâce » à cet incendie que Beauvais, au faîte de sa gloire au XIIIe siècle, décide sous l’impulsion de Milon de Nanteuil l’évêque-comte de Beauvais, de se doter d’une nouvelle cathédrale qui surpasserait toutes les autres en hauteur et magnificence.

DES PROUESSES TECHNIQUES

Le contexte économique est favorable. Les innovations techniques, comme la voûte sur croisée d’ogives combinée à l’arc-boutant, offrent la possibilité d’édifier des églises plus lumineuses et beaucoup plus hautes tout en allégeant leur structure. Les bâtisseurs utilisent aussi des tirants en fer qui relient les naissances des voûtes ou les arcs-boutants entre eux afin de les maintenir. On emploie également le fer pour renforcer les ogives ou les fenêtres. Toutefois, la hauteur prodigieuse du chœur est considérée comme un facteur d’instabilité et les restaurateurs du Moyen Âge le consolide en lui ajoutant notamment, des piliers. On connait la suite tragique…Mais répercussion inattendue, l’arrêt de sa construction en 1604 et le manque de fonds ont sauvé la Basse-Œuvre. Elle ne sera jamais démolie, bien qu’un peu « écrasée » par son audacieuse et prestigieuse voisine qui rayonne avec sa splendide façade de style gothique flamboyant et sa rose de 11 mètres de diamètre.

CHANTIER DE RESTAURATION 2022-2028

L’État, propriétaire de la cathédrale Saint-Pierre de Beauvais depuis la Révolution a lancé depuis 2022 un vaste chantier de restauration des toitures hautes et des voûtes, de dépose des étaiements et de sécurisation incendie, d’un montant de 17 millions. Conduit par la DRAC des Hauts-de-France, il devrait s’achever en 2028. Il est complété de restaurations d’objets d’art à l’intérieur de l’édifice (grilles, tableaux, autels). L’une des curiosités de la cathédrale est son extraordinaire horloge astronomique du XIXe siècle. Cette œuvre de l’horloger Auguste-Lucien Vérité comprend 52 cadrans, 90 000 pièces et est animée de petits personnages mimant la scène du Jugement dernier. Elle jouxte une ancienne horloge à carillon du XIVe siècle.

DES TAPISSERIES POUR LES 800 ANS

À l’occasion de la célébration des 800 ans de la cathédrale (classée au titre des monuments historiques depuis 1840), le Mobilier national a été mandaté par le département de l’Oise, la Drac Hauts-de-France, la communauté d’agglomération du Beauvaisie, la ville de Beauvais et le Diocèse pour la réalisation de deux tapisseries de basse-lice (2m x 0,53 cm), qui seront suspendues sur les deux piliers de part et d’autre du chœur. Confiées à l’artiste Stéphane Couturier (né en 1957) dans le cadre d’un appel à projet, et tissées dans les ateliers de la manufacture de Beauvais, elles illustrent Le Chant de l’Apocalypse pour l’une et L’Homme de Patmos pour l’autre, une scène d’espoir de rédemption issue du dernier livre du nouveau testament. Soit les ténèbres face à la lumière. L’interprétation contemporaine de Stéphane Couturier, qui a même utilisé l’Intelligence Artificielle pour concevoir certains détails et prévu d’intégrer à la laine des éléments de dentelle au point d’Alençon et des perles en porcelaine de Sèvres, rend aussi hommage à la tradition médiévale par les motifs et symboles bibliques.

FESTIVITÉS 2025

Pour célébrer dignement ses 800 ans, la cathédrale va faire la fête tout au long de l’année 2025. Sous la houlette de Calixte de Nigremont, truculent animateur tout en jabot et dentelles et directeur artistique de cette célébration, « Trois nuits cathédrales » sont programmées, les samedi 17 mai, samedi 28 juin et samedi 20 septembre. Utilisant les formes d’expression les plus variées : cirque, musique, arts équestres et arts de la rue, elles constituent les points forts d’une série de manifestations culturelles et artistiques dont on peut retrouver tous les détails sur le site dédié.

Catherine Rigollet

Archives expo en France

Infos pratiques

 Voir tous les détails pratiques des temps forts et le programme des autres animations et spectacles : https://800anscathedrale.beauvais.fr/


À voir aussi à Beauvais
 MUDO, musée de l’Oise
Après plusieurs années de travaux, le musée abrité dans l’ensemble architectural comprenant l’ancien palais épiscopal (XIIe-XVIe) et une entrée fortifiée munie de deux grosses tours (XIVe) a rouvert le 22 mars 2025. Dans le palais rénové, la nouvelle scénographie particulièrement réussie valorise les collections permanentes centrées sur les 19e et 20e siècles : peintures, sculptures, objets d’art mobiliers et arts graphiques (dont la collection est riche de 7000 dessins, estampes, pastels et livres illustrés).
Sous la direction d’Alexandre Estaquet-Legrand, conservateur du patrimoine et directeur du MUDO-Musée de l’Oise, les collections se découvrent dans un parcours en 11 salles, pensé de façon chronologique et mettant en évidence la succession de courants artistiques. Parmi nos coups de cœur : la magistrale salle rouge dédiée au peintre senlisien Thomas Couture, dominée par L’Enrôlement des volontaires de 1792, son œuvre phare. Et les ensembles de mobiliers exceptionnels des Années Folles, dont la Cheminée aux paons d’Auguste Delaherche et deux grands tympans en cuivre de Max Blondat, emblématiques du style de l’Art Déco. Le parcours, qui se clôt avec une petite sélection d’œuvres de l’art moderne (Dufy, Picabia, Buffet, Lempicka), intègre L’Age d’or, un grand décor d’escalier de Maurice Denis.
Les tours du châtelet d’entrée accueillent les expositions temporaires, comme celle sur « La Renaissance. Portes de la modernité » (22 mars au 30 novembre 2025) qui réunit 85 œuvres d’artistes tels Léonard de Vinci, Sandro Botticelli ou Antoine Caron.
1, rue du musée – 60 000 Beauvais
Tous les jours (sauf le mardi) : 10h-13h et 14h-18h.
Entrée gratuite

https://mudo.oise.fr


 Le Quadrilatère. Centre d’art
Dans un bâtiment horizontal en béton et verre d’inspiration brutaliste construit en 1976 par André Hermant au chevet de la cathédral, le Quadrilatère a d’abord accueilli un musée de la Tapisserie avant d’être consacré depuis 2016 à l’art contemporain, avec un focus sur le patrimoine de la ville. Dirigé par Lucy Hofbauer, il a réouvert le 5 avril 2025 après des travaux de rénovation qui magnifient son architecture épurée et lumineuse. Les travaux ont aussi permis au Quadrilatère de s’enrichir d’un nouvel équipement phare : un Centre d’interprétation de l’architecture et du patrimoine (CIAP) dédié à la découverte de la ville de Beauvais et qui propose une expérience de visite multisensorielle autour de dispositifs variés : maquettes, œuvres inédites, projections audiovisuelles et installations interactives. Les travaux ont aussi rendu accessible au public d’importants vestiges archéologiques gallo-romains, notamment une construction semi-circulaire de 50 mètres de diamètre, bordée d’un portique, dont la fonction encore mystérieuse est en cours d’expertise au musée archéologique de l’Oise situé à Vendeuil-Caply.
Place Saint-Pierre – 60000 Beauvais
Tous les jours, sauf lundi

https://www.lequadrilatere.fr/

*En 2025, et jusqu’au 6 janvier 2026, le Quadrilatère accueille trois expositions.
 Cécile Bart (née en 1958). « Peu importent les ressemblances »
À partir d’une résidence de création et de productions spécifiques, ses immenses toiles et installations suspendues aux couleurs pastel et à l’écriture dans l’espace, jouent parfaitement avec le Quadrilatère, ses lumières et ses transparences.
 André Hermant (1908-1978), architecte iconographe.
Un hommage au concepteur du bâtiment qui révèle à partir d’images de référence son intérêt pour la nature et l’architecture et leurs formes utiles et universelles qui ont influencé ses créations.
 Stéphanie Mensy (née en 1978),
Dans le cadre d’une résidence de création au sein du centre d’art, l’artiste a créé in situ une fresque courant sur l’immense mur du bas de l’atrium. Un paysage complexe de lignes et points projetés en gerbes explosives.


 Manufacture de Beauvais
Créée en 1664 par Louis XIV sur la route des Flandres, la manufacture nationale de Beauvais, réalise des tapisseries de basse lisse, sur métier horizontal. Détruite lors de l’incendie de la ville de Beauvais en 1940, elle s’est installée provisoirement sur le site des Gobelins à Paris, avant de regagner Beauvais en 1989, dans d’anciens abattoirs rénovés. Elle compte une dizaine de métiers et chaque année, environ cinq à six tapisseries « tombent de métier » ; certaines ayant demandé plusieurs années de travail.
Après Matisse ou encore, Hartung, Le Corbusier ou Picasso au XXe siècle, la contribution d’artistes contemporains se poursuit provenant de toutes les tendances esthétiques. En 2025, on y découvre les projets en cours de Jean Faucher, Philippe Mayaux Frédéric Ruyant ou encore Stephen Peirce. Apposé au bas des tissages, le monogramme MBN en garantit la provenance. Établissement public, la manufacture dépend et travaille pour le Mobilier national qui emploie la plupart des œuvres tissées pour orner les ministères, ambassades et résidences présidentielles.
24, rue Henri Brispot – 60000 Beauvais
Visite commentée (1h) : inscription à l’office du tourisme 03 44 15 30 30

https://www.visitbeauvais.fr


Visuels :

 Cathédrale de Beauvais extérieur façade Sud et intérieur.
 Horloge astronomique de Auguste-Lucien Vérité, XIXe siècle.
 MUDO-musée de l’Oise (Palais épiscopal et tours d’entrée)
 MUDO-Musée de l’Oise, Thomas Couture, L’Enrôlement des volontaires de 1792.
 MDO-Musée de l’Oise, Auguste Delaherche, Cheminée aux paons, 1923-1927. Bois de citronnier, grès glaçuré. Œuvre Art nouveau créée pour le château de Léoube (Var).
 Quadrilatère. Œuvres de l’exposition de Cécile Bart, « Peu importent les ressemblances ».
 Quadrilatère. Vue du Centre d’interprétation de l’architecture et du patrimoine (CIAP) dédié à la découverte de la ville de Beauvais. Au premier plan, sculpture représentant Jeanne Fourquet, dite Jeanne Hachette (XVIe) qui aurait repoussé une attaque bourguignonne sur la ville de Beauvais avec une hachette, d’où le rang d’héroïne française auquel elle est souvent élevée. À l’arrière-plan : vestige de la Tour saint Hilaire.
 Manufacture de Beauvais. Atelier de basse-lisse avec au fond : tapisserie Diary, d’après Tania Mouraud, 2018.