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Biennale Venise 2019.... Suite de la visite des Pavillons nationaux aux Giardini

Les Giardini rassemblent les pavillons historiques, souvent d’une architecture remarquable, celui de la Belgique étant le plus ancien, construit en 1907.

Débutons par un pays qui nous a captivé au fil des années avec ses représentations vénitiennes. Il faut toutefois chercher....et trouver le pavillon irakien dans la Ca dell’ Duca sur le Grand Canal : un artiste et deux œuvres. Serwan Baran, soldat en Iraq (qu’il a aujourd’hui quitté) dans les années 80 et 90, table sur son expérience de protagoniste dans des conflits qui n’en finissent pas pour offrir deux œuvres percutantes, qu’il avoue être une forme d’exorcisme. L’une est une sculpture d’argile du corps d’un général dans une embarcation telle celles utilisées dans les marais irakiens, et qui n’est pas sans rappeler la traversée des pharaons vers l’au-delà, mais qui peut être aussi la dernière fuite d’un lâche. The last meal, 2010 est une vue aérienne de plusieurs dizaines de soldats tués pendant leur pause. Baran a collé sur cette immense toile des fragments de vêtements ou d’ustensiles que lui ont donnés les familles de soldats. L’objectif du peintre est atteint.

Aux Giardini, ouvrons le parcours avec le pavillon japonais. Le curateur fait converger sur une installation collaborative très conceptuelle, Cosmo-eggs, les talents d’un artiste, d’un compositeur, d’un anthropologue et d’un architecte pour illustrer une écologie où coexisteraient des humains et des non-humains. Les copies des Atlantes du Nouvel Hermitage accueillent le visiteur dans le pavillon russe, au thème énigmatique : Lc. 15 : 11-32. Pour ceux qui ne seraient pas familiers avec l’orthotypographie biblique, il s’agit de la parabole du fils prodigue, dans l’Évangile de Luc. Curatée par le Musée de l’Ermitage, avec le but avoué de montrer comment un grand musée peut exercer son influence, le pavillon laisse le cinéaste Alexander Sokurov installer un studio d’artiste, avec ses sculptures des deux protagonistes, et une galerie muséale, centrés sur la toile-phare du musée pétersbourgeois, le Retour de l’enfant prodigue de Rembrandt. Au niveau bas, l’artiste Alexander Shishkin-Hokusai s’inspire des fameux mécanismes horlogers ou autres du Palais d’Hiver, fracas et lumières rouges inclus.

Au pavillon britannique, l’artiste Cathy Wilkes a couché sur le papier ses intentions. Le jargon est si hermétique que l’on traverse les vastes salles ponctuées d’objets divers et de petite taille sans se donner trop de peine pour y trouver un sens… Le pavillon israélien a donné carte blanche à Aya Ben Ron, un artiste passionné par la santé, les soins, les guérisons, l’éthique médicale. Avec cette installation, elle continue à explorer la façon dont l’art peut réagir et agir face aux maux de nos sociétés. Entrez dans le pavillon et vous devenez un patient en hôpital de jour (attente, étiquetage, appel de votre numéro). Vous apprenez à “hurler” dans un caisson, puis regardez, sur une chaise supposée influer sur vos émotions une vidéo choisie de façon aléatoire. On est bien tombé ! La vidéo de Idit Avrahami couvrait, sujet passionnant et ô combien controversé, la disparition institutionalisée dans les années 50 d’enfants yéménites ou mizrahi en Israël. A la sortie, vous vous demandez si vous êtes bien à une manifestation artistique.

Pour entrer dans le pavillon français et l’installation de Laure Prouvost, troisième femme à représenter la France après Annette Messager et Sophie Calle, et Lion d’Or 2019, il faut passer par un sous-sol poussiéreux et surgir dans un faux océan sur lequel flottent des objets divers avant daccéder au film , Vois Ce Bleu Profond Te Fondre, un road-trip vers Venise interprété par une douzaine de comédiens aguerris, un hymne au vivre ensemble, prolongé par des sculptures utilisant les médias favoris de l’artiste : plantes, résine, vapeur d’eau… Le pavillon américain, construit dans les années 30 dans le style néoclassique de l’époque de Jefferson, troisième président des États-Unis, est barricadé par une sculpture géante de Martin Puryear (Swallowed sun, 2019), qui sème ensuite dans les salles des sculptures récentes, aux formes variées de couvre-chefs inspirés du bonnet phrygien (Big Phrygian, 2010-14). Rappel littéraire (La Virginienne, de Barbara Chase-Riboud) devant A Column for Sally Hemings, 2019, dédiée à l’esclave noire dont Jefferson eut des enfants : une colonne fuselée sur laquelle trône une manille de fer rouillé.

Le pavillon belge a reçu une mention spéciale “pour son humour implacable”. Le duo flamand, Jos De Gruyter et Harald Thys, déploie un monde de poupées articulées scindé en deux : au centre, les braves travailleurs, et, derrière des barreaux, les cernant, des personnages plus douteux. Un constat politique sur la grande fracture de notre monde qui amuse mais n’émeut pas vraiment.
On passera un moment de frivolité apparente au pavillon brésilien. Swinguerra, mot-valise, de la danse et de la guerre, pour montrer l’influence de la musique et de la danse sur des groupes marginaux (en l’occurrence, des transgenres). Sur les écrans, ça swingue, c’est gai et coloré, un instant de bonheur désespéré dans le Brésil radical de Bolsonaro.

Elisabeth Hopkins

Visuels : Pavillon irakien. Serwan Baran, The Last General, 2019 (fibreglass).
Pavillon japonais. Collectif, Cosmo-Eggs.
Pavillon français. Laure Prouvost, Vois Ce Bleu Profond Te Fondre.
Pavillon américain. Martin Puryear, Swallowed sun.
Pavillon belge. Jos De Gruyter et Harald Thys, Mondo Cane.
Pavillon brésilien. Swinguerra
Courtesy : La Biennale di Venezia.

Archives expo en Europe

Visuels de l'artiste
Infos pratiques

Du 11 mai au 24 novembre 2019
Arsenale et Giardini
Venise
Fermé les lundis, sauf 2 septembre et 18 novembre
Arsenale : de 10h à 18h, nocturne les vendredis et samedis jusqu’à 20h, jusqu’au 5 octobre
Giardini : de 10h à 18h
Entrée : 25 € pour une entrée dans chaque site
35 € pour des entrées multiples dans chaque site pendant trois jours consécutifs.
www.labiennale.org