Boros Collection à Berlin. De l’art contemporain en bunker

C’est un vrai bunker, construit au cœur de Berlin en 1942 par Albert Speer, l’architecte en chef du parti nazi, pour protéger les civils des bombardements alliés, et utilisé ensuite à des fins diverses y compris un entrepôt pour fruits exotiques dans les années 50 et un club techno hardcore dans les années 90.
Christian Boros et son épouse l’ont acheté en 2003 et y présentent leur collection d’art contemporain. Depuis leur penthouse au sommet du bunker, ils se font un devoir d’ouvrir les 5 étages aux murs de béton armé, bruts de décoffrage, au public. Le second volet de leur collection, qui sera visible jusqu’en 2016, offre environ 150 œuvres par une vingtaine d’artistes dispersées dans les 80 pièces aveugles. On les découvre une par une, en petits groupes cornaqués par un guide dont l’enthousiasme et la compétence compensent en grande partie, mais pas totalement, l’absence de cartels.
Chaque artiste a été invité à installer son ou ses œuvres, créées depuis 1990, en adéquation avec le lieu, allant même jusqu’à percer le mur comme l’ont fait Manon Awst and Benjamin Walther’s avec les tubes métalliques de Latent Measures (Component 17). On y retrouve avec plaisir un arbre de Ai Wei Wei, un morceau (sur 148) de la reproduction en cuivre de la Statue de la Liberté de Danh Vo, et une installation arachnéenne de Tomás Saraceno. On s’amuse de quelques sculptures/machines, au fonctionnement parfaitement inutile, telle Time is no Highway, 2008, de Michael Sailstorfer, où un pneu motorisé s’abrase sans fin sur un mur, ou sa machine à cracher du pop corn, un toutes les quelques secondes, mais qui finit par envahir le plancher, monter aux murs, et … se transformer en poussière.
Berlin oblige, on remarque les artistes allemands. Thomas Ruff ouvre la collection avec trois photos de ciel étoilé, photos qu’il a simplement achetées et encadrées ! Le contraste avec l’environnement confiné et éclairé sans douceur est captivant. Cosima von Bonin pend au mur ses patchworks narratifs et fait surgir ses champignons textiles des sols stériles tandis que le Turner Prize 2000, Wolfgang Tillmans, ponctue les étages de ses photos d’une vie extérieure qui ferait rêver les réfugiés du bunker.
L’expérience est passionnante, le regard et l’attention se portent autant sur le lieu si lourdement chargé d’histoire (on ne pense qu’à son utilisation comme refuge) que sur les œuvres, dont certaines offrent une échappatoire au confinement ambiant, ou au contraire se plient à cette contrainte.
Une exposition qui mérite qu’on organise son séjour berlinois autour des possibilités de visite, puisqu’on ne peut visiter que du jeudi au dimanche et qu’il faut réserver d’avance sur le site internet de la collection.

Elisabeth Hopkins

Visuel : Danh Vo, Numbers (6), 2011 ; Trio, 2010 ; We the people (détail), 2011. Foto : © NOSHE.
Bunker Boros : Außenansicht Bunker. Foto : © NOSHE

Archives expo en Europe

Visuels de l'artiste
Infos pratiques

Sammlung Boros
Reinhardtstrasse 20
10117 Berlin
Réservation obligatoire sur le site web
Visites guides pour groupes de 12
(en anglais ou en allemand), du jeudi au dimanche
Entrée : 18€
https://www.sammlung-boros.de/