Vous consultez une archive !

Chiharu Shiota. The Soul Trembles

En avant-première de la réouverture de l’ensemble de ses galeries en juin 2025, le Grand Palais présente une exposition consacrée à l’œuvre poétique et mémorielle de l’artiste japonaise Chiharu Shiota qui combine installations, dessins et performances dans un processus qui place le corps au centre.

Qu’elles nous émerveillent de prime abord ces petites barques de fil de métal d’où semblent s’envoler vers le firmament un nuage de fils rouges tressés. Mais Styx ou Paradis, vers quel incertain voyage ? En rouge ou noir, les spectaculaires installations de fils de laine de Chiharu Shiota (née à Osaka en 1972) qui s’entrelacent comme de gigantesques toiles arachnéennes fascinent toujours et encore. Ces œuvres, produites depuis le milieu des années 90, sont les plus connues de l’artiste. Elles y emprisonnent des objets insolites : vêtements (« notre seconde peau »), chaises, piano brûlé lors d’un incendie…

La vie et la disparition cheminent toujours côte à côte dans l’œuvre de l’artiste japonaise. Comme ces dizaines de valises suspendues à des fils et qui oscillent légèrement, pour un aller avec -ou sans- retour. Ces dizaines de fenêtres rescapées de chantiers de démolition de maisons ou encore cette œuvre mémorielle constituée d’une accumulation de centaines de petits souvenirs d’enfance. L’artiste a senti son premier effroi face à la mort en se rendant enfant sur la sépulture de ses ancêtres. Depuis, s’inspirant de ses souvenirs de cette époque, elle a souvent utilisé la terre et le sol dans ses œuvres, comme symbole de la vie, mais aussi du lieu où nous retournons après la mort. « Mon âme est avec mon corps. Si mon corps disparait, mon âme disparait-elle avec lui ? Combien de temps peut-elle rester près du cœur ? », s’interroge l’artiste.

Si l’art de l’enchevêtrement a fait sa renommée, la pratique de Chiharu Shiota s’étend également à la sculpture, la photographie, la vidéo et la peinture. Une nuit, alors qu’elle avait déjà abandonné la peinture à l’huile, elle a fait ce rêve : « j’étais devenue une peinture ». Quelques jours plus tard, elle s’est couverte de laque rouge pour tenter de devenir une peinture et cet acte d’expression corporelle, non minutieusement préparé comme les tressages, l’a libérée. Malade d’un cancer en 2005, elle a voulu peindre ses sentiments dans des œuvres pérennes, sachant que les installations de fils (qui demandent souvent huit à dix jours de travail et jusqu’à 200 kilomètres de fil) sont généralement jetées après leur exposition, n’existant plus que dans la mémoire des spectateurs.

C’est tout l’intérêt de cette exposition au Grand-Palais, la plus importante jamais consacrée à l’artiste en France et qui embrasse plus de 20 ans de sa carrière, que de présenter, aux côtés de sept installations magistrales, des sculptures, des dessins, photographies et vidéos de performances. Un corpus de créations protéiformes qui explorent les notions de temps, d’intérieur et d’extérieur, de mémoire et de rêve.
L’invitation à un voyage émotionnel que l’artiste poursuit avec Où allons-nous ? (2017-2018), immense installation de fils blancs « couleur d’un nouveau départ » explique-t-elle, comme des voiles de bateaux hissées au coeur de l’escalier monumental qui relie le rez-de-chaussée aux salles d’exposition.

Catherine Rigollet

Archives expo à Paris

Infos pratiques

Du 11 décembre au 19 mars 2025
Grand Palais
Porte H
Du mardi au dimanche, 10h-19h30
Nocturne le vendredi jusqu’à 22h
Tarifs : 14€/11€
www.grandpalais.fr


Visuels :

 Chiharu Shiota, Uncertain Journey, (« Voyage incertain »), 2021/2024 (et détail). Cadre métallique, laine rouge. Dimensions variables. Vue de l’exposition Grand Palais 2024. Photo L’Agora des arts.

 Chiharu Shiota, Connecting Small Memories (détail) (« Relier les petits souvenirs »), 2019/2024. Technique mixte. Dimensions variables. Photo L’Agora des arts.

 Chiharu Shiota, Reflection of space and time (Reflet de l’espace et du temps), 2018. Robes blanches, miroir, cadre métallique, fil noir Alcantara. Vue de l’exposition Grand Palais 2024. Photo L’Agora des arts.

 Chiharu Shiota, Becoming Painting (« Devenir peinture »), 1994. Épreuve numérique, 72 x 48 cm. Performance, installation (peinture laque rouge)
Australian National University School of Art, Canberra. Photo : Ben Stone
© Adagp, Paris, 2024.

 Chiharu Shiota, Accumulation – Searching for the Destination (« Accumulation – En quête de la destination »), 2014/2024. Valises, moteur et corde rouge.
Vue de l’exposition Grand Palais 2024. Photo L’Agora des arts.

 Chiharu Shiota, Where to Go, What to Exist – Photographs. (« Où aller, quoi pour exister ? – Photographies »), 2010. Valise, photographies, fil et autres, 40 × 50 × 43 cm. Photo L’Agora des arts.

 Chiharu Shiota, Where Are We Going ? (« Où allons-nous ? »), 2017/2024. Laine blanche, fil de fer, corde. Dimensions variables. Vue de l’installation Grand Palais 2024 (escalier). Photo L’Agora des arts.