Petite ville tranquille du Valois, à l’orée de la forêt de Retz, Villers-Cotterêts voyait son château se dégrader, l’ancienne résidence royale à partir de François Ier ayant terminé son existence en maison de retraite. Mais la volonté présidentielle décida d’y établir la Cité internationale de la langue française, ce qui redonna vie au château à partir d’octobre 2023 après de très importants travaux de restauration, véritable sauvetage patrimonial. Deux raisons principales expliquent le choix de cette ville de l’Aisne pour y implanter cette « Maison du français et de la francophonie » : l’ordonnance du 10 août 1539 rendue par François Ier en cette ville et qui a fait du français la langue de l’État, et la naissance le 24 juillet 1802 d’Alexandre Dumas dans cette même ville. Beaux symboles !
Il n’est pas évident d’exposer une langue. Et la Cité n’est d’ailleurs pas un musée qui présenterait le français sous le seul angle historique. Dès qu’on pénètre dans la cour du jeu de paume surmonté de son ciel lexical, une petite centaine de mots accrochés et choisis par les Cotteréziens dans tous les registres de la langue, on sent que le français est envisagé ici plus comme un jeu de mots, une chasse au trésor, voire un escape game, que comme un sujet didactique pour grammairiens et académiciens. Bien sûr, au fil de ce voyage, cette « aventure du français » en trois chapitres (Une langue-monde, Une invention continue, Une affaire d’État) comme les trois ailes du premier étage du Logis royal où ils se développent, il y a de l’histoire de la langue sans que soient négligées ses dimensions culturelles, sociales et linguistiques.
Le plus appréciable sans doute est de ne pas avoir encombré ce parcours d’objets, d’archives et d’œuvres qu’aurait pu susciter un tel sujet. Des dizaines d’œuvres et une centaine d’objets et de documents ponctuent certes ce voyage en langue française mais ce sont surtout les nombreux dispositifs audiovisuels et numériques, interactifs qui se font remarquer. La « bibliothèque magique », par exemple, ne manquera pas de remplir d’émotion et d’excitation les amoureux des livres. D’une salle à l’autre les ambiances lumineuses, visuelles et sonores, les dispositions scénographiques varient pour éveiller sans cesse la curiosité du visiteur, petit comme grand, et le surprendre par des expériences variées. Apprendre et découvrir sont un jeu à la Cité, une réussite où se précipiter.
Autour de Villers-Cotterêts
Si Villers-Cotterêts est située au centre d’une région de très riche patrimoine (cités de Senlis et Compiègne, châteaux de Pierrefonds et de Coucy, Soissons et son abbaye Saint-Jean-des-Vignes aux deux hautes tours et au vaste réfectoire de style gothique préservés), nous vous engageons à emprunter un sentier moins battu, la vallée de l’Automne qui prend sa source à Villers-Cotterêts. Il faut s’arrêter aux Jardins de la Muette, labellisés « Jardin remarquable », qui s’étendent sur près de 3 hectares au-delà du manoir, un havre entre vallée et forêt (2, rue du Château à Largny-sur-Automne, visite libre du 15 août au 27 septembre sauf le dimanche, www.jardinsdelamuette.com).
On manquera encore moins le Donjon de Vez où l’architecture médiévale dialogue avec l’art contemporain. Une idée de Francis Briest, co-fondateur de la maison de vente Art Curial, qui a acquis les lieux en 1980. C’est un lieu d’émerveillement et de contemplation dans le silence et la nature. Une salle abrite une armature métallique en berceau conçue par Gustave Eiffel, une autre voit ses murs recouverts d’une œuvre de Sol LeWitt. La chapelle est éclairée de deux verrières de Daniel Buren. Dans le jardin clos et dans le parc au-delà du mur d’enceinte se répondent des œuvres de Bourdelle, César, Dodeigne, Morellet, Raynaud, Venet… Œuvres monumentales et sculptures sont à leur aise dans ce donjon comme dans le décor naturel qui l’entoure, sublimant leur beauté, rajoutant à leur mystère. L’exposition annuelle et estivale concernera le sculpteur Robert Couturier (1905-2008).
Jean-Michel Masqué