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Claude Monet - Joan Mitchell. Un face à face de titans

Si l’exposition Monet-Mitchell met en scène un dialogue intense entre les Nymphéas de Claude Monet (1840-1926) et les immenses polyptyques de Joan Mitchell (1925-1992) qui tout en se défendant d’avoir été inspirée par le maître de l’impressionnisme s’est installée à Vétheuil où il vécut, c’est aussi une grande rétrospective dédiée à cette grande artiste de l’expressionnisme abstrait américain, peu connue en France. Un double événement.

Les dernières représentations de Nymphéas de Monet, leur absence de ligne de fuite, leurs grands formats, la priorité donnée à la lumière et cette peinture très gestuelle poussée jusqu’à l’abstraction ont fasciné les artistes américains de l’expressionnisme abstrait, tels Pollock, de Kooning, Rothko ou encore Joan Mitchell (1925-1992). Cette dernière a même choisi de rester en France, s’installant en 1967 avec son compagnon le peintre Jean-Paul Riopelle, à Vétheuil, là même où vécut Monet de 1878 à 1881, avant qu’il ne pose définitivement ses pinceaux à Giverny en 1883, y concevant son jardin de fleurs et son jardin d’eau comme de véritables œuvres d’art et surtout d’infinis motifs à peindre.

Mais tandis que chez Monet le motif est toujours là, quelque que soit la perte de repères à nos yeux comme dans Le Bassin aux nymphéas (1918-1919) rythmé par des touches de différents rouges ne faisant état d’aucun repère spatial, chez Mitchell, il s’agit d’une peinture délibérément abstraite, même si dit-elle, « c’est aussi un paysage sans être une illustration ». Les paysages que cette native de Chicago contemple, c’est Vétheuil, ses étendues verdoyantes, ses tournesols -comme ceux peints par son cher Van Gogh- et les bords de Seine. Donc l’eau et ses reflets. Comme Monet. Tous deux cherchant à fixer une sensation ou un « feeling », le souvenir de l’émotion ressentie face à la nature, transformée par leur mémoire. Joan Mitchell confie aussi que « la musique, les poèmes, les paysages, et les chiens (lui) donnent envie de peindre…et la peinture est ce qui (lui) permet de survivre ».

MONUMENTALITÉ ET « FEELING »

Pour son cycle des Nymphéas (quelque 300 toiles), Monet est passé aux très grands formats comme ce monumental triptyque L’Agapanthe (1915-1926) de treize mètres, présenté ici dans son intégralité grâce à la contribution de trois grands musées américains, chacun étant propriétaire de l’un des panneaux ! Joan Mitchell a adopté d’emblée le monumental, utilisant diptyques, triptyques et même polyptyques. Son cycle de La Grande Vallée (1983), composé de vingt et un tableaux (dix sont exceptionnellement rassemblés à la Fondation Vuitton), compte cinq diptyques et un triptyque de 280 x 600 cm : La Grande Vallée XIV (For a Little While). La peinture abstraite de Mitchell a besoin de surface pour s’exprimer pleinement. Elle respire mal dans ses petits formats. On le ressent. En version panoramique son lyrisme, sa musicalité et sa poésie explosent. La gestuelle de l’artiste reste toujours identique : un réseau de coups de brosse entrecroisés, des jetées de couleur pure sur la toile et une gamme chromatique lumineuse constituée de variations subtiles avec des favoris : le bleu cobalt et le jaune « colza ».

Si une grande partie de l’exposition (galerie 4 à 11) est consacrée à la confrontation de la peinture de Monet et Mitchell en questionnant leurs pratiques, mettant en évidence leur proximité et leur singularité, l’autre (galerie 1 et 2) est entièrement consacrée à la carrière de Joan Mitchell, réunissant une cinquantaine d’œuvres dans un parcours chronologique. De ses premières abstractions peintes au début des années 1950 à New York, jusqu’à ses toiles des dernières années à Vétheuil, les plus belles comme South (1989), un hommage à Cézanne et à sa Sainte-Victoire.
Une exposition qui se parcourt comme un immense paysage solaire.

Catherine Rigollet

Visuels : Claude Monet, L’Agapanthe, 1915-1926 (1/3). Huile sur toile, 200 x 425 cm. Cleveland Museum of art. photo L’Agora des Arts. (Si l’on ne voit que des nymphéas, le titre fait référence à l’agapanthe présente dans la partie inférieure gauche de ce premier panneau du triptyque).
Joan Mitchell, La Grande Vallée XIV (For a Little While), 1983. Huile sur toile, 280 x 600 cm. Centre Pompidou, Paris. © The Estate of Joan Mitchell. Photo L’Agora des Arts.
Claude Monet, Nymphéas bleus, 1916-1919. Huile sur toile, 204 x 200 cm.
© Musée d’Orsay, Dist. RMN-Grand Palais. Photo L’Agora des Arts.
Joan Mitchell, South, 1989. Huile sur toile, 260,35 x 400,05 cm. Fondation Louis Vuitton, Paris. © The Estate of Joan Mitchell. Photo L’Agora des Arts.

Archives expo à Paris

Visuels de l'artiste
Infos pratiques

Du 5 octobre au 27 février 2023
Fondation Louis Vuitton
8, avenue du Mahatma Gandhi. 75116
Lundi, mercredi et jeudi de 11h à 20h
Vendredi de 11h à 21h
Nocturne le 1er vendredi du mois jusqu’à 23h
Samedi et dimanche de 10h à 20h
Fermeture le mardi (sauf vacances scolaires de Noël et février)
Tarif plein : 16€
www.fondationlouisvuitton.fr