La Ville d’Aix-en-Provence propose à partir du mois de juin 2025 un grand évènement dédié au peintre Paul Cezanne, né et mort dans cette ville qui a été, avec ses paysages alentours et sa montagne devenue mythique grâce à sa peinture, le théâtre de toute une vie. À cette occasion, la ville a décidé de restaurer progressivement et de faire découvrir une partie de la bastide du Jas de Bouffan, acquise par le père de l’artiste en 1859 et où l’artiste a peint ses premières œuvres à l’âge de 20 ans.
Mais au fait, Cézanne ou Cezanne ? L’artiste n’en mettait pas et l’orthographe originelle de ce nom provençal n’en porte pas. Donc, nous n’en mettrons pas. Le Jas de Bouffan fut pendant 40 ans le lieu de référence de Cezanne à Aix. S’il n’y demeura pas de manière continue, il y revint sans cesse de 1859 à 1899 et c’est surtout là qu’il commença son œuvre…par la peinture de murs du Grand Salon dont il reste encore aujourd’hui des fragments, puis des portraits, des autoportraits, des natures mortes, des paysages. C’est dans l’atelier que son père lui a installé au deuxième étage, éclairé par une grande verrière qu’il va pousser ses recherches sur la façon de rendre la perspective, d’intégrer la lumière uniquement par la puissance des couleurs, d’écarter toute indication de temps sur ses tableaux pour ne laisser parler que la nature. Faire chanter la terre comme l’avait poétiquement évoqué la rétrospective que la Fondation Gianadda à Martigny lui avait consacrée en 2017.
En 1899, obligé de vendre le domaine du Jas de Bouffan, Cezanne s’installe rue Boulegon, dans le quartier de l’hôtel de ville. Il achète un terrain sur la colline des Lauves, d’où il peut voir Aix et la Sainte-Victoire et y fait construire un atelier, qui devient son dernier espace de création à partir de 1902. C’est là entre autres qu’il termine ses Grandes Baigneuses (conservées à la Barnes Foundation de Philadelphie), commencées au Jas de Bouffan. Ce Jas qui n’est pas seulement un lieu cezannien, un lieu où il a vécu, mais un laboratoire où il a expérimenté son œuvre.
Même si Cezanne s’est partagé entre sa ville natale et Paris (allant notamment peindre sur le motif à Fontainebleau et entre Pontoise et Auvers-sur-Oise en compagnie de son maître Pissarro), c’est à Aix-en-Provence qu’il n’a de cesse de revenir. Trimballant sur le dos son attirail de tubes, de pinceaux et de couteaux, il arpente chaque jour le chemin des Lauves en quête de la meilleure vue pour peindre sa chère Sainte-Victoire, son obsession picturale et sentimentale. Victime de son impérative nécessité de peindre, malgré sa fatigue, il s’y rend un jour d’orage, et décède quelques jours plus tard, le 23 octobre 1906, d’une congestion pulmonaire. Il voulait mourir le pinceau à la main : le ciel l’a entendu.
DES ŒUVRES VENUES DU MONDE ENTIER
Près de 130 œuvres exposées (paysages, portraits, autoportraits, natures mortes…) font le lien avec la bastide familiale restaurée ainsi que son parc, dont il reste aujourd’hui près de cinq hectares quasi intacts. Des œuvres venues des grands musées français notamment du musée d’Orsay et du Petit Palais, mais aussi de Bâle, Chicago, Cambridge, Londres, Los Angeles, New York, Ottawa, Tokyo, Zurich…Évocation directe du Jas de Bouffan, l’exposition présente notamment Maison et ferme du Jas de Bouffan, 1885- 1887 (National Gallery à Prague). Ainsi qu’une reconstitution du « Grand Salon » avec plusieurs œuvres initialement peintes sur les murs du salon originel par l’artiste, comme Les Quatre Saisons : Le Printemps, L’Été, L’Automne, L’Hiver, Le Baigneur au rocher (panneau reconstitué dans son intégralité). Une section est réservée aux Baigneurs et Baigneuses, un thème qui a hanté Cezanne durant toute sa vie, réalisant autour de 200 compositions de baigneurs et baigneuses, parfois les laissant inachevées.
Catherine Rigollet