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Eugen Gabritschevsky (1893-1979)

Plus de 230 gouaches, fusains, aquarelles captivants par un artiste au parcours exceptionnel. Une formidable surprise que nous a réservée Antoine de Galbert, fondateur de la Maison rouge et co-commissaire de cette exposition qui devrait conquérir les aoûtiens qui veulent sortir des sentiers battus muséaux. Eugen Gabritschevsky nait à Moscou en 1893. Son père est un aristocrate, biologiste de renom. Enfant déjà, Gabritschevsky se passionne pour la science. Plus tard, il se lance dans la recherche sur l’hérédité aux États-Unis et à l’Institut Pasteur à la fin des années 1920. Mais le brillant chercheur fait place à l’artiste inclassable quand des troubles de comportement (les explications sont nombreuses mais peu plausibles) le condamnent à l’internement dans un hôpital près de Munich en 1929. Il n’en sortira plus, mais y créera plusieurs milliers de peintures et dessins sur papier.

Inutile de vouloir catégoriser cet artiste chez qui l’on détectera, au gré de son humeur ou de ses références artistiques, les veines du surréalisme, de l’abstraction, de l’art brut, de l’expressionnisme, voire du romantisme. On croira y trouver une patte à la Dalí, Redon, Ensor. Comparaisons futiles car mieux vaut se laisser happer par ce monde étrange, poétique, ouvert, nourri de fantasmes d’enfant, de recherches entomologiques, de fascination pour la nature, qu’illustre sur le papier l’incontrôlable imagination de Gabritschevsky. Il faudra plus de 10 ans à Dubuffet, sollicité sans succès en 1948 par le frère d’Eugen, pour reconnaitre dans ce travail plus qu’une facture européenne classique et l’inclure dans sa collection d’artistes bruts.
L’artiste qui se considère en 1946 comme « une âme morte, une personne enterrée », produit, de son propre aveu, « des dessins qui représentent la mort, le chagrin, les émotions, la vie comique des âmes et des éléments, la terre, l’impossibilité du bonheur…. » Les commissaires ont choisi un accrochage thématique, sans vraie chronologie : paysages ; villes et foules ; nuits et fêtes ; mutations et bestiaire fabuleux. Les œuvres sont rarement titrées et souvent non datées. Au spectateur d’interpréter ces surfaces abstraites balayées par le pinceau de grands mouvements circulaires ou ces ballets de micro-organismes aux allures de mutants ; à lui d’arpenter ces paysages fantasques sur fonds de ciel à la Turner, ces villes de gratte-ciels ou ces villages déstructurés ; à lui de visiter ces lieux de culte peut-être, ou de rassemblements interdits ; de s’installer dans les loges des théâtres où s’alignent les spectateurs. Et de se laisser porter par ces scènes mythiques à la symbolique hermétique ; par ces personnages minuscules et pourtant si détaillés qui dansent, flottent ou volent, ou ces visages qui crèvent le papier comme chez Ensor. Bref un monde onirique qui cache ou révèle, c’est selon, la douleur de l’enfermement, des rêves d’espace et de lumière, ou ce qui est la seule issue pour cette âme confinée, la mort.

Et si vous ne pouvez vous rendre à La Maison rouge, vous pourrez voir l’exposition à la Collection de l’Art Brut à Lausanne à l’automne 2016, ou à l’American Folk Art à New York au printemps 2017. Vous ne le regretterez pas !

Elisabeth Hopkins

 Catalogue co-édité par les trois institutions présentant l’exposition. Éditions Snoeck, 160 pages, 30€.

Visuels : Eugen Gabritschevsky, Sans titre, août 1946, gouache sur papier photographique, 28,5 x 41,5 cm.
Collection privée, New York. © Adam Reich.
Eugen Gabritschevsky, Sans titre, 1939, gouache sur papier, 21 x 30 cm. Collection de l’art brut, Lausanne. © Atelier de numérisation - Ville de Lausanne, Amélie Blanc, Caroline Smyrliadis / Collection de l’Art Brut, Lausanne.
Eugen Gabritschevsky, Sans titre, gouache sur papier calque, 21 x 29 cm. Collection Antoine de Galbert, Paris. © Etienne Pottier.
Eugen Gabritschevsky, Frau inland (Femme de l’arrière-pays), mars 1951, gouache sur papier, 20,3 x 26,3 cm. Collection privée, New York. © Adam Reich.

Archives expo à Paris

Visuels de l'artiste
Infos pratiques

Du 8 juillet au 18 septembre 2016
La Maison rouge,
Fondation Antoine de Galbert
10 bd de la bastille - 75012 Paris
Tél. +33 (0) 1 40 01 08 81
Du mercredi au dimanche de 11h à 19h
Nocturne le jeudi jusqu’à 21h
Entrée : 10€
www.lamaisonrouge.org