Eugène Boudin. Le père de l’impressionnisme

Visuel livre

Fou d’Eugène Boudin (1824-1898) qui fut l’un des premiers artistes français à poser son chevalet hors de l’atelier pour réaliser des paysages, le collectionneur Yann Guyonvarc’h a acquis plus de 200 œuvres du « roi des ciels » comme le surnomma Corot, présentant une vision globale de son œuvre et de ses thématiques.

Publié à l’occasion de l’exposition Eugène Boudin, le père de l’impressionnisme. Une collection particulière au musée Marmottan-Monet (jusqu’au 31 août 2025), qui réunit sous le commissariat de Laurent Manœuvre, un ensemble de 80 œuvres provenant de la collection Guyonvarc’h, complété de prêts de l’institution parisienne, mais aussi du musée des Beaux-Arts d’Agen et du musée d’art moderne André Malraux du Havre, le catalogue revisite la vie, la carrière et les amitiés artistiques de ce natif d’Honfleur dont la mer fut le berceau. On se promène avec délice dans ses tableaux, dessins, pastels et aquarelles, de ses premiers paysages normands jusqu’aux ultimes marines du Midi ou de Venise, en suivant le peintre dans ses voyages en Bretagne, dans le Nord, la Belgique et les Pays-Bas. Toujours au plus près de la mer.

Lorsque Boudin, papetier-encadreur décide -tardivement- de se consacrer à la peinture, il rejette très vite le romantisme incarné par Eugène Isabey pour chercher les simples beautés de la nature et une palette qui lui rende hommage, sans fioritures, dans la nouvelle tendance des artistes peignant en plein air à Barbizon, tels Corot, Troyon et Millet avec lesquels il se lie.
Au début des années 1850, dans ses premiers paysages de mer, au pinceau ou au pastel, il s’attache tout particulièrement au rendu des éléments et des effets atmosphériques qui l’ont ému, concentré sur l’impression primitive, parfois fugitive tant les effets du ciel sont vite changeants sous le climat normand. Il s’affirme par là-même comme l’un des initiateurs d’une vision renouvelée d’une nature ordinaire, précédant dans cette démarche les impressionnistes. Il saisit des pêcheurs en rade du Havre, la marée basse à Sainte-Adresse, des personnages sur la plage de Trouville, des fermettes dans le bocage, etc.
Le peintre discret et timide a trouvé sa voie et pris de l’assurance, encouragé par Courbet. Boudin jouera bientôt le même rôle auprès de jeunes artistes tel Claude Monet, qu’il détournera de ses caricatures (à la mode et très lucratives) pour le sensibiliser au paysage et à la peinture sur le motif, lui affirmant que : « trois coups de pinceaux d’après nature valent mieux que deux jours de travail au chevalet ». A la fin de sa vie, Monet en conviendra : « Je dois tout à Boudin ».

Marchand de Boudin, Paul Durand-Ruel rencontré en 1872 l’expose à Paris Londres et New York et achètera près de 400 tableaux à celui qui est aujourd’hui devenu indissociable de ses scènes de plage des années 1860. Une thématique pourtant limitée de sa production si on la compare à ses innombrables paysages bretons des années 1870 (Marché en Bretagne, Rade de Brest, bateaux échoués à Portrieux, ciel du Croisic). Et surtout à ses magnifiques tableaux de marée et de ciels peints lors de son retour en Normandie dans les années 1880-90. Comme cette vue d’un appareillage des sardiniers à Trouville ou se confondent les gris de la mer, des voiles et du ciel. Le ciel est à nouveau au centre des attentions de Boudin. On sent qu’il ne l’aime jamais autant que lorsqu’il roule de sombres et menaçants nuages à la période des belles tempêtes d’équinoxe. Quand Boudin s’enthousiasme pour un sujet, il s’y donne à fond et en séries, qu’il s’agisse de bords de mer, de bovins (le musée Malraux du Havre en possède un bel accrochage) ou de bateaux, des modestes barques de pêche aux grands voiliers et transatlantique, jusqu’aux gondoles à Venise. Un de ses ultimes voyages qui révèle encore toute la subtilité de sa touche chromatique et son amour inconditionnel pour l’eau et la lumière.

Sous la direction de L. Manoeuvre
In Fine Editions d’art
248 p. 230 ill.
32€
www.infine-editions.fr