Vous consultez une archive !

Fénéon. Les Temps nouveaux. De Seurat à Matisse

On avait partagé sa passion pour les “arts lointains” au Quai Branly cet été (https://www.lagoradesarts.fr/-Felix-Feneon-1861-1944-Les-arts-lointains-.html). On retrouve Félix Fénéon (1861-1944) sur les cimaises de l’Orangerie avec une large sélection de peintures, œuvres sur papier et documents qui illustrent ses engagements tant politiques, qu’esthétiques et littéraires.

Personnage à barbichette un peu mystérieux mais aux convictions libertaires inébranlables, Fénéon, alors employé au Ministère de la Guerre, n’hésite pas à mettre son talent au service de revues anarchistes dans la dernière décennie du 19e siècle. Il sera emprisonné mais acquitté à la suite d’un attentat dans un restaurant.
Bien avant, dans les années 1880, il s’est lancé dans la critique d’art et côtoie une nouvelle génération de peintres. Il admire leur touche pointilliste et ses finesses dans les jeux d’ombre et de lumière, et soutient Signac, Cross (Les Iles d’Or, 1891-92), Luce, et surtout Seurat, son poulain, largement représenté ici par des paysages, des marines des dessins au crayon. Pour eux, il organise des expositions et les achète pour sa propre collection. Trois poseuses (1887) de Seurat, mises en valeur ici par leur proximité avec une statue féminine de Guinée du 19e siècle, furent un temps le joyau de sa collection.

Fénéon a l’œil exercé mais sa plume n’est pas moins affutée. Il écrit à profusion, dirige La Revue Blanche des frères Natanson pendant sept ans (Félix Fénéon à la Revue Blanche, Vallotton, 1896), y accueillant écrivains, artistes et musiciens (Debussy y est chroniqueur musical). À sa fermeture en 1903, il entre au Figaro, puis collabore quelques mois au Matin où fleurissent ses “nouvelles en trois lignes” (Bémol : diffusées dans la pièce consacrée à Fénéon et les lettres, elles sont peu audibles). Dans les années 20, il devient éditeur à La Sirène et publie, entre autres, Cendrars, Cocteau, et Joyce.
À la Revue Blanche, Fénéon rencontre Marinetti, le premier futuriste. Alors que le mouvement fait scandale en Italie, Fénéon lui ouvre la Galerie Bernheim-Jeune dont il est le directeur artistique (La Révolte, Luigi Russolo, vers 1911). Comme en Italie, ces hommages au monde de la machine, du tumulte, de la vitesse, ces incitations à rejeter les traditions suscitent l’indignation. Mais l’exposition tournera néanmoins dans toute l’Europe.
Chez Bernheim, Fénéon se révèle plus encore catalyseur de la modernité : pour convaincre les Bernheim de la qualité des talents qu’il encourage, il achète pour sa collection personnelle Seurat, Matisse, Derain qui viennent côtoyer ses trésors d’art africain.

La collection de cet esthète touche-à-tout raffiné sera dispersée au cours de plusieurs ventes. La première servira au financement de ses soins médicaux. Les suivantes se tiendront après sa mort en 1944. Un personnage passionnant qui mérite bien les deux hommages qui lui sont rendus en 2019.

Elisabeth Hopkins

 Rappel : Le premier volet de l’exposition au musée du quai Branly-Jacques Chirac, du 28 mai au 29 septembre 2019, évoquait l’enquête de Fénéon sur les « arts lointains » publiée en 1920 interrogeant le statut des sculptures et objets d’art primitif.

Visuels : Paul Signac, Un dimanche, octobre 1888 – 13 mars 1890. Huile sur toile. 150 x 150 cm. Collection particulière.
Henri-Edmond Cross, Les Iles d’Or, entre 1891 et 1892. Huile sur toile, 59,5 x 54 cm. Musée d’Orsay Paris.
Luigi Russolo, La Révolte, vers 1911. Huile sur toile, 150,8 x 2307 cm. La Haye, Kunstmuseum Den Haag.
Photos L’Agora des Arts.

Archives expo à Paris

Visuels de l'artiste
Infos pratiques

Du 16 octobre 2019 au 27 janvier 2020
Musée de l’Orangerie
Jardin des Tuileries - 75001 Paris
Ouvert de 9h à 18h, tous les jours sauf le mardi
Entrée : 9 €
Entrée libre le 1er dimanche du mois
www.musee-orangerie.fr