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Graver la lumière : L’estampe en 100 chefs d’œuvre, de Dürer à Picasso

Le musée Marmottan Monet présente une belle sélection de feuilles issues de la collection de gravures, appartenant à la Fondation suisse William Cuendet & Atelier de Saint-Prex. Des œuvres du XVe au XXIe siècle, des grands maîtres tels Dürer, Rembrandt, Piranèse… jusqu’aux artistes contemporains.

Sait-on vraiment ce qu’est une estampe sauf à être un spécialiste des œuvres sur papier ? Il est donc conseillé d’aller directement aux panneaux explicitant cette « image multipliable à l’identique, à partir d’un élément d’impression, qui, encré, transfère lors de son passage sous une presse, sa charge d’encre sur une feuille de papier » et découvrir les diverses façons de travailler cette matrice : la xylographie, le burin, la pointe sèche, le mezzotint, l’eau-forte, le vernis mou, l’aquatinte, la lithographie, le cliché-verre et l’héliogravure.
On peut alors revenir à la première salle et admirer la sélection de gravures appartenant à la Fondation suisse fondée par le pasteur William Cuendet (1886-1958) et d’œuvres sur papier produites sur les presses de l’Atelier de Saint-Prex, à partir des années 1970. Avec des œuvres allant du 15e au 21e siècle, le commissaire sait nous ravir, et nous surprendre, par des juxtapositions cohérentes d’artistes européens vivant à la même époque ou séparés par les siècles.

La gravure, en ses débuts, joue le même rôle que la photographie de nos jours : information et diffusion. Mais c’est un travail de haute dextérité de la main plutôt que le choix d’un œil servi par un objectif. À compter de Dürer et de Rembrandt, un siècle et demi plus tard, la gravure remplace l’enluminure dans les premiers livres imprimés, Bible et autres textes sacrés, au burin pour celui-là, à l’eau forte pour celui-ci (Albert Dürer, La passion sur cuivre, 1507-1513). Dès le 18e siècle, dans le sillage de la peinture védutiste italienne, les gravures de villes, de monuments historiques permettent aux voyageurs de découvrir d’autres horizons.
Les images gravées de Canaletto ou de Piranèse sont rassemblées en livres reliés plus aisément transportables que des toiles. En France, Claude Lorrain offre de lumineux paysages travaillés à l’eau-forte et des burinistes, moins connus aujourd’hui, portraiturent les personnages de la cour, en utilisant avec virtuosité les nuances de noir et de blanc pour donner vie aux tissus, visages et cheveux (Robert Nanteuil, Louis XIV, 1664 ; Claude Mellan, Autoportrait, 1635). Plus loin dans l’exposition, la Sainte Face, 1649, du même Mellan, dessinée d’un seul trait concentrique sans lever son outil de la matrice, est le plus bel exemple de la maestria des artistes-graveurs.

Dès le 19e siècle et jusqu’à aujourd’hui, l’estampe nous ouvre aux scènes de genre, nous introduit dans le domaine intime (Pierre Bonnard, Le Bain, 1925), et parvient à nous dévoiler les personnalités (Camille Pissarro par lui-même, c. 1890 ou Autoportrait, 1976 de Pierre Tal Coat). La partie finale de l’exposition est consacrée à l’héliogravure (transfert sur une plaque de cuivre d’un négatif obtenu par une caméra) qui permet de nuancer au mieux la gamme chromatique du blanc au noir, tout en l’imprimant durablement sur le papier, comme l’atteste le fascinant portrait de Mrs. Herbert Duckworth, 1867, de Margaret Cameron.

La Fondation, non contente de réunir les œuvres des grands maîtres, a su donner toute leur place aux œuvres d’artistes contemporains. Abstraites ou figuratives, ou à mi-chemin entre les deux (Edmond Quinche, Les passants, c. 1969), elles ponctuent l’exposition, ici et là, en une juxtaposition qui incite à un autre regard sur le travail d’hier et ... d’aujourd’hui. Une exposition somme toute assez technique, mais qui ne fait pas oublier la beauté des œuvres et l’intérêt de leurs thèmes.

Elisabeth Hopkins

Archives expo à Paris

Infos pratiques

Du 5 juillet au 17 septembre 2023
Musée Marmottan Monet
2, rue Louis-Boilly, 75016 Paris
Ouvert du mardi au dimanche, de 10h à 18h
Nocturne le jeudi jusqu’à 21h.
Entrée : 14 €
www.marmottan.fr


Visuels :
 Albrecht Dürer (1471-1528), Pilate se lavant les mains, 1512, burin sur papier vergé, 117 x 73 mm © Olivier Christinat, Lausanne.
 Rembrandt (1606-1669), Rembrandt dessinant, 1648. Eau-forte, pointe sèche et burin sur papier vergé, 158 x 130 mm © Olivier Christinat, Lausanne.
 Giovanni Antonio Canal, dit Canaletto (1697-1768), Caprice. Portique à la lanterne, 1742. Eau forte sur papier vergé, 302 x 433 mm © Olivier Christinat, Lausanne.
 Jacques-Fabien Gautier-Dagoty (1710-1781), Femme vue de dos, disséquée de la nuque au sacrum, appelée L’Ange anatomique, 1746. Manière noire et burin sur papier vergé, 615 × 465 mm © Olivier Christinat, Lausanne.
 Pierre Bonnard (1867-1947), La Petite Blanchisseuse, 1896, lithographie au lavis et au crayon sur papier de Chine,190 x 294 mm © Olivier Christinat, Lausanne.