Des rues désertes, des ciels plombés, des façades délabrées, des jardins aseptisés, des phénomènes atmosphériques inexpliqués, des intérieures où planent la mélancolie et la solitude...Bienvenue dans l’Amérique de Gregory Crewdson. Une « way of life » hors du temps, hors de la modernité, dans des décors un peu surannés. Comme dans un film de Wes Anderson qui aurait été décoré par Edward Hopper.
Depuis le milieu des années 1980, le photographe Gregory Crewdson (*1962, Brooklyn) utilise la toile de fond des petites villes américaines et des plateaux de tournage pour créer, comme un réalisateur de cinéma, mais en plans fixes, des images qui mettent l’accent sur l’isolement humain et les abîmes de la société. Les scènes énigmatiques de ce fils de psychothérapeute, marqué par Raymond Carver, Diane Arbus, Walker Evans… et Edward Hopper, soulèvent des questions sur la frontière entre réalité et fiction, mais peuvent également être liées à des développements sociopolitiques.
Chaque photo à grande échelle de Crewdson est précédée de mois de planification et créé avec la participation de dizaines de personnes des départements de casting, de costumes et d’art, ainsi que de spécialistes techniques. De véritables mises en scène élaborées comme Jeff Walls.
La rétrospective à l’Albertina à Vienne comprend un total de neuf groupes d’œuvres, créées au cours des trois dernières décennies et demie et conçues en série. À partir de ses premières œuvres (1986-1988), l’exposition comprend les séries les plus connues de Crewdson, telles que Twilight (1998-2002), qui dépeint des scènes façonnées par le langage cinématographique, avec des personnes confrontées à des phénomènes inexplicables dans leur vie quotidienne. Les scènes impressionnantes et mystérieuses à grande échelle de la série Beneath the Roses (2003-2008) traitent de l’isolement et de l’aliénation des gens par rapport à leur environnement. Le groupe d’œuvres le plus récent, Eveningside (2021-2022), dépeint une image non héroïque d’une petite ville fictive du même nom, en noir et blanc. Après Cathedral of the Pines (2013-2014) et An Eclipse of Moths (2018-2019), Eveningside représente le dernier volet d’une trilogie à travers laquelle l’artiste examine le déclin social d’une société très éloignée du rêve américain.
Catherine Rigollet