Parler d’amitié artistique est peut-être excessif, car si Ferdinand Hodler (Berne,1853 – Genève,1918) et Filippo Franzoni (Locarno,1857 – Mendrisio,1911) ont exposé dans les mêmes lieux, participé aux mêmes concours, ils se sont peu croisés. En revanche, ils ont été, à des titres différents, deux interprètes particulièrement sensibles du paysage suisse à la charnière des XIXe et XXe siècles.
En les rapprochant, cette exposition du MASI (Museo d’arte della Svizzera italiana) vise à mettre en évidence les rapprochements et les divergences entre leurs deux pratiques artistiques. Elle est surtout l’occasion de faire découvrir Franzoni, bien moins connu du grand public qu’Hodler dont la renommée est devenue internationale.
Issu d’une famille du canton de Berne, Hodler a connu une enfance difficile, marquée par la pauvreté, de nombreux déménagements, la mort de ses parents lorsqu’il était encore enfant, et celle de ses quatre frères de tuberculose avant 1879. Initié à la peinture grâce à son beau-père, Gottlieb Schüpbach, peintre-décorateur de profession, il fait vite preuve d’une grande sensibilité, au réalisme doublé d’idéalisme et de symbolisme dans sa représentation des paysages de sa Suisse natale, lacs et montagnes surtout. Ils sont peints dans des formes de plus en plus stylisées, jusqu’à dissoudre les lignes et unir lac, sommets et ciel dans un camaïeu de bleus lumineux, sublimant le paysage jusqu’à le transformer en symbole universel du temps, de l’espace et de l’éternité.
La renommée de Franzoni n’a pas beaucoup dépassé celle du Tessin. Né dans une famille bourgeoise libérale, il étudie à l’Accademia di Brera à Milan, effectue plusieurs séjours à l’étranger et partage ensuite son temps entre la capitale lombarde et Locarno, sa ville natale. Lui-aussi s’est mis à réduire les formes et les couleurs à l’essentiel. Mais moins novateur que le Bernois, ses toiles vont s’attrister au fil d’une quête introspective marquée par des conditions de vie difficile et une maladie qui va le mener à l’internement psychiatrique.
Ses œuvres, paysages et portraits, sont exposées en regard d’œuvres de Hodler (célèbres ou moins connues), provenant d’importantes collections publiques et privées, essentiellement suisses.
Ces quatre-vingts peintures, réalisées par les deux artistes au cours de quatre décennies suivent leur trajectoire artistique et nous offrent une jolie plongée dans la peinture tessinoise.