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Icônes de l’art moderne. La collection Chtchoukine

Il était une fois deux industriels russes de la fin du 19e siècle, passionnés par l’art, et suffisamment riches pour s’offrir de belles collections de toiles françaises. L’un était prudent, Ivan Morozov, l’autre plus intrépide, Sergueï Chtchoukine (prononcer Tchoukine). Leurs œuvres, nationalisées par Lénine lors de la Révolution russe et rassemblées (tout en restant chez leur acquéreur) en un musée moscovite d’art moderne occidental, furent, une trentaine d’années plus tard, divisées sur ordre de Staline, entre le Musée Pouchkine de Moscou et l’Ermitage de Leningrad, aujourd’hui Saint-Pétersbourg.

La Fondation Vuitton, avec des moyens que peu d’institutions muséales pourraient égaler, a pu emprunter à ces deux musées plus de 120 toiles et sculptures (sur 275) de la seule Collection Chtchoukine, dont 12 Gauguin, 22 Matisse, 29 Picasso. Car Chtchoukine (1854-1936), avec l’aide de grands galeristes parisiens, Durand-Ruel, Vollard et Kahnweiler en particulier, avait acquis des œuvres impressionnistes, post-impressionnistes et modernes, pour son hôtel particulier moscovite qu’il avait ouvert au public dès 1908. Les œuvres exposées ici révèlent un talent de visionnaire, un goût éclectique et une personnalité généreuse et aimable (malgré un bégaiement prononcé) puis qu’il avait su se forger de solides amitiés avec les artistes, Matisse en particulier. Et qui, même s’il ne comprenait pas les toiles d’un peintre comme Picasso, rencontré grâce à Matisse, disait « c’est probablement lui qui a raison, et pas moi ». (Chtchoukine, après s’être exilé en France en 1918, se consacrera à son cercle intime et n’eut plus aucun contact avec les milieux de l’art jusqu’à sa mort en 1936.)

L’exposition est bâtie autour de mini-monographies avec de vastes salles consacrées à Gauguin, Matisse, Monet et Picasso mettant les œuvres en valeur mieux que ne le faisait probablement l’accrochage à touche-touche (voire iconostatique pour les Gauguin) du Palais Troubetskoï ; ou autour de thématiques diverses illustrées par eux et par Derain, Cézanne, Le Douanier Rousseau : des paysages dont le collectionneur était grand amateur, des portraits, ou des natures mortes.
Ces ensembles vus chez Chtchoukine inspirèrent la jeune avant-garde russe et l’exposition se termine avec une confrontation passionnante entre le cubisme de Picasso et une trentaine d’œuvres de Malevitch, Gontcharova ou Popova prêtées par la Galerie Trétiakov.

Il ne faut surtout pas manquer l’installation vidéo de Peter Greenaway et Saskia Bodekke, véritable poème visuel et sonore illustrant la relation entre Matisse, le collectionneur et les deux grandes toiles La Danse et La Musique, qui furent la risée du Salon d’Automne avant d’être acquises par Chtchoukine. Elles n’ont pu venir à Paris pour cause de fragilité, mais on a quelques mois pour voir toutes les autres toiles exceptionnelles de la collection Chtchoukine, réunies dans leur ville d’origine.

Elisabeth Hopkins

Visuels : Paul Gauguin, Aha oé feii (Eh quoi, tu es jalouse ?), été 1892. Huile sur toile, 66 × 89 cm. Musée d’État des Beaux-Arts Pouchkine, Moscou Photo © Moscou, Musée d’État des Beaux-Arts Pouchkine
Henri Matisse, La Desserte, Harmonie en rouge, printemps-été 1908. Huile sur toile 180,5 x 221 cm © Succession H. Matisse. Courtesy Musée d’État de l’Ermitage, Saint-Pétersbourg.
Le salon Picasso au Palais TroubetskoÏ , Moscou, photo Pavel Orlov, 1914. ©Musée d’État des Beaux-Arts Pouchkine.

Archives expo à Paris

Visuels de l'artiste
Infos pratiques

Du 22 octobre 2016 au 20 février 2017
PROLONGATION JUSQU’AU 5 MARS
Fondation Louis Vuitton
8 Avenue du Mahatma Gandhi, Bois de Boulogne,
75116 Paris
Ouvert du mercredi au dimanche, fermé le mardi.
Lundi, mercredi, jeudi, 11h à 20h
Vendredi, 11h à 23h
Samedi, dimanche, 10h à 20h
Entrée : 16 € (inclut accès au Jardin d’Acclimatation)
www.fondationlouisvuitton.fr