Né en 1962 à Locarno (Suisse), Ireneo Nicora a toujours été un esprit nomade. Typographe de formation dans sa ville natale, il a ensuite étudié la restauration et la peinture en Italie, entre Côme, Florence et Pérouse, a déménagé à Barcelone, puis est parti pour le Chili où il a vécu et travaillé pendant 23 ans, avant de s’installer à Paris, où il vit et travaille depuis 2013. Nous l’avions rencontré l’été 2014 dans son atelier des Puces de St Ouen. Sur de grands papiers japonais et népalais, il faisait couler de la cire, et la chauffait au fer à repasser jusqu’à donner à ses œuvres une texture de parchemin, y créant des transparences, parfois des blessures, la part du hasard, des traces de vie déjà. (https://lagoradesarts.fr/Rencontre-avec-Ireneo-Nicora.html)
Depuis, son art s’est progressivement éloigné de la peinture pour entrer dans l’espace vital du monde. Il utilise des matériaux provenant de sa vallée (terre, pierres, dalles) ou des objets récupérés au marché aux puces : fragments imprégnés de vies qui racontent des histoires d’hommes et de femmes, évoquent des voyages, des errances, des migrations. La composante autobiographique et la dimension sociale sont devenues essentielles dans le travail d’Ireneo Nicora qui reste un méditatif, un artiste influencé par la spiritualité.
L’imposante installation constituée de dizaines de pièces (objets, photographies, lettres…) qu’Ireneo Nicora a conçue et mise en place à la Fondation Ghisla a pour fil conducteur le souvenir de sa mère prise dans son déclin progressif lié à la perte de mémoire. C’est la voix de sa mère Angelina qui, des années après sa mort, s’éveille soudain et résonne en lui. Le travail de l’artiste est un acte de gratitude et d’amour, mais aussi un questionnement de l’identité de chaque homme par rapport à la fugacité du temps, une réflexion plus large sur la fonction et le sens de la mémoire.
L’installation acquiert ainsi une connotation conceptuelle pour laquelle la contribution et l’implication du visiteur sont essentielles. S’interrogeant sur le caractère éphémère de la mémoire, l’artiste nous renvoie à notre propre mémoire et à l’angoissante éventualité de sa perte, sachant que se serait perdre des pans significatifs de notre histoire personnelle et donc de notre identité. S’attaquer à nos souvenirs, c’est donc s’attaquer à la vie : la nôtre, mais aussi celle de ceux qui nous ont été proches.