A 83 ans, Jean Rustin est le héros de deux expositions parisiennes incontournables. D’abord connu pour ses abstractions, il fait du corps humain l’objet d’une nouvelle peinture, figurative. Peu à peu détachée de tout référent, celle-ci offre une mise à nu émouvante, sans artifice ni décor.
Dans le silence et l’isolement, baignés d’une lumière diffuse, les personnages figés nous sollicitent d’un regard mélancolique. Hagards ou contemplatifs, ils déploient leur nudité sans aucun érotisme : « une exhibition aussi tranquille qu’impudique parce qu’elle est naturelle et donc sans provocation », explique le critique Bernard Noël. Si les êtres sont asexués, la matière qui les compose n’en demeure pas moins sensuelle et caressante. Riche en vibrations de roses et de bleus, la palette luministe utilisée par le peintre en appelle aux chairs rubéniennes et aux ciels impressionnistes. Il y a chez Rustin la conscience d’une condition humaine commune, qu’il ne cherche pas à sublimer. Abîmés, sans défense, ses personnages ne sont rien d’autre que nous-mêmes : des êtres vulnérables et imparfaits. « À la société actuelle, basée sur les apparences et l’idéalisation, l’artiste oppose une réponse bouleversante, d’une tendresse infinie », précise Charlotte Waligora, historienne d’art et Directrice de la Fondation Rustin à Paris. Un hommage sans précédent à l’humanité.
Marion Kling