Si Johanna Mirabel s’inscrit dans le grand retour de la peinture figurative auquel le monde de l’art assiste depuis quelques années, l’artiste, diplômée des Beaux-Arts de Paris en 2019, emprunte cependant une voie singulière en portant ses représentations au-delà du réel ou, plus exactement, en faisant émerger et coexister aux côtés de l’espace réel un autre monde.
L’exposition « Habiter le chaos », dont le commissariat est assuré par Laure Forlay, met en évidence l’identité plastique plurielle que Johanna Mirabel a élaborée, dans une affinité forte avec la pensée du Martiniquais Édouard Glissant, poète, romancier, essayiste, auteur dramatique et penseur de la « créolisation », auquel fait référence le titre de cette exposition. Dans son concept du « chaos-monde », Édouard Glissant nomme chaos le profond bouleversement pluriculturel que l’histoire agitée du monde a provoqué…
Sensible à cette pensée, Johanna Mirabel, artiste d’origine guyanaise, née en 1991 à Colombes (France) qui vit et travaille à Paris, élabore sa peinture en miroir de la dynamique du monde, transformant l’espace de sa toile en un espace d’échanges hybride et mouvant, où les identités ne sont jamais figées.
À la surface de ses œuvres à la peinture très diluée favorisant les transparences, le réel se distord, laissant apparaitre un arrière-monde imaginaire. Les personnages se tiennent dans un entre-deux, entièrement perméable à ce qui les entoure. Ainsi dans Sleeping room n°10, 2023 (Huile sur toile,162 x 212 cm. Collection privée Elyssa Sfar), le personnage dessiné et endormi sur le coin d’une table, la tête reposant au creux de son bras (évocation de la gravure de Goya, El sueño de la razon produce monstruosincarne) incarne ce qui est à l’œuvre dans le travail de l’artiste : la métaphore d’une identité qui se construit simultanément dans le monde et hors du monde.
