Transformée en cathédrale immersive, la Grande Nef du Centre Pompidou-Metz accueille les immenses draperies de Katharina Grosse. Suspendues à des crochets et savamment plissées, elles tombent jusqu’au sol, s’y étalent en tapis que le visiteur foule avec précaution, impressionné par la hauteur de cette installation spectaculaire aux parois ondulantes, et séduit par ses couleurs et son énergie exubérantes. À la fois sculpture, architecture et peinture, l’œuvre déborde même de l’espace intérieur pour se prolonger de l’autre côté des baies vitrées, ses couleurs s’étalant sur le parvis du musée.
Née en Allemagne en 1961, Katharina Grosse vit et travaille à Berlin et en Nouvelle-Zélande. C’est lors d’un séjour à Florence, qu’elle découvre avec fascination à quel point les fresques de la Renaissance intègrent l’architecture environnante comme élément pictural. Dès lors, elle commence à concevoir ses œuvres in situ, investissant directement l’architecture des institutions qui l’accueillent. En visite en France, la découverte du théâtre de Peter Brook aux Bouffes du Nord, et du Théâtre du Soleil d’Ariane Mnouchkine va influencer aussi son sens de la théâtralité et de la mise en scène. Depuis plus de 30 ans, délaissant le châssis à la faveur du mur, investissant des architectures de plus en plus vastes, elle construit en tridimensionnel, déployant directement ses couleurs en les vaporisant, laissant entrevoir çà et là, dans les plis du tissu, un blanc immaculé.
À Metz, pour son installation « Déplacer les étoiles », Katharina Grosse a repris une installation de grande envergure conçue initialement pour le centre d’art Carriageworks à Sydney, redéployant 8 250m2 de tissu suspendu au plafond par d’énormes nœuds pour former un nouvel immense drapé qu’elle a repeint une fois installé. Une nouvelle performance sur site qui lui a pris une quinzaine de jours. Invisible pour les spectateurs, ce travail conceptuel et technique en amont pousse l’artiste à défier à nouveau l’espace et à repousser toujours plus loin les limites de la peinture hors cadre. Elle nous offre une déambulation à la fois spectaculaire et poétique, nous invitant à trouver notre chemin au milieu des formes et des couleurs, à l’instar de navigateurs guidés par les étoiles.
Catherine Rigollet