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Kounellis. Un Art Pauvre...qui en dit long

Utiliser les matériaux naturels ou de récupération et accommoder les restes comme premier acte de résistance face à la société de consommation incarnée par le modèle américain, tel est, dans l’Italie des années de plomb, le dessein d’artistes regroupés au sein du mouvement de l’Arte Povera ; appellation créée par le critique d’art italien Germano Celant. Actifs entre Turin, Gênes et Rome, ces artistes (essentiellement masculins), aux personnalités contrastées, produisent des œuvres d’un grand éclectisme, mais tous portent leur attention sur les traces les plus élémentaires de la vie et mettent en œuvre leur potentiel créatif pour ouvrir de nouvelles voies autour de préoccupations comme : la tautologie, l’écriture, la parole, l’animalité, l’abri et l’énergie vitale.

Il y a en tête Giuseppe Penone qui a fait des rapports de l’homme avec la nature le thème de son art créant des objets en terre cuite, bronze ou marbre évoquant des membres (sa main par exemple) et des végétaux (l’arbre plus particulièrement). Jannis Kounellis, venu à Rome depuis la Grèce à 19 ans et qui utilise de la laine, de la corde, du bois, du charbon, du fer, du feu ou même du café. Giovanni Anselmo qui imbrique conceptuel et matériel dans ses œuvres, comme une monumentale pierre en granit en forme de flèche dans laquelle il a incrusté une boussole. Ou cette laitue verte et fraîche coincée dans une stèle en granit, faisant penser à un monument de columbarium d’où la vie renaît (Sans titre, 1968). Pino Pascali et son tableau de plumes (Les plumes d’Esope, 1968). Mario Merz et son igloo constitué de sacs en plastique remplis d’argile, recouvert de textes écrits avec des néons (Igloo di Giap, 1968). Et aussi Alighiero Boetti, Pier Paolo Calzolari, Mario Ceroli, Luciano Fabro, Piero Gilardi, Giulio Paolini, Pino Pascali, Emilio Prini, Gilberto Zorio, Michelangelo Pistoletto.

Le musée national d’art moderne, qui conserve l’un des ensembles les plus importants d’Arte Povera au monde, explore les pratiques artistiques attachées à « l’art pauvre » de façon plus générale, dans les arts plastiques des années 1960-70 et dans d’autres champs artistiques, comme le cinéma, la musique, la danse, le design et l’architecture. Les liens entre l’Arte Povera et l’architecture radicale sont étroits. Germano Celant est le premier à avoir parlé d’architecture radicale, établissant des ponts entre artistes et architectes. Présentée au 4e étage du Centre Pompidou, cette partie évoque le mouvement « Global Tools », fondé en 1973. Une « contre-école » de design prônant le retour à un savoir-faire manuel (superbe siège de Riccardo Dalisi en papier mâché - ci-contre) et la création collective. Des protagonistes qui ne manquent ni de poésie, ni d’humour, ni d’idéalisme, comme Michele de Lucchi et ses architectures impossibles ou radicales (Habitation à cubes superposés, 1975-76), Franco Raggi et sa lampe coiffée d’un abat-jour en forme de temple grec (La Lampa classica, 1976) ou Ettore Sottsass et ses constructions précaires qui interrogent l’architecture et la culture industrielle de notre société et renvoient à l’instabilité des choses.

L’Arte Povera : décidément un art modeste qui en dit long.

Catherine Rigollet

Visuels : Giovanni Anselmo, Sans titre, 1968, 70 x 23 x 37 cm, granit, laitue, fil de cuivre. Collection Centre Pompidou, mnam /cci ©Centre Pompidou/Dist. RMN-GP ©Giovanni Anselmo.
Jannis Kounellis, Sans titre, 1968. Laine, corde, bois. Centre Pompidou, musée national d’art moderne. Photo : L’Agora des arts.
Riccardo Dalisi, Tecnica povera, 1973. Chaise en papier mâché, ca., 90 x 80 x 45cm. Collection Centre Pompidou, mnam /cci © Centre Pompidou/Dist. RMN-GP.

Archives expo à Paris

Visuels de l'artiste
Infos pratiques

Du 8 juin au 29 août 2016
Centre Pompidou
Galerie 4, niveau 1
et salles 39 & 49 niveau 5
Tous les jours, sauf le mardi
De 11h à 21h
Tarif plein : 14€ (exposition + musée)
Tél. 01 44 78 12 33
www.centrepompidou.fr