L’Apocalypse vue par les artistes d’hier à aujourd’hui

Depuis longtemps, l’Apocalypse a largement dépassé sa dimension religieuse pour s’ériger en grand mythe collectif. Écrit au 1er siècle après J.-C., par un auteur nommé Jean, sur l’île grecque de Patmos, l’Apocalypse (dernier livre de la Bible) est un grand récit symbolique de la fin des temps et du renouveau. Son message, à la fois menaçant et plein d’espérances, a inspiré les artistes et suscité un nombre d’œuvres rarement égalé par une autre thématique depuis le moyen-âge jusqu’à aujourd’hui. Des œuvres qui comptent parmi les chefs-d’œuvre de l’histoire de l’art.

L’exposition présentée à la Bibliothèque nationale de France traverse cet imaginaire en plongeant d’emblée le spectateur dans cette Apocalypse de Jean, donnant quelques clés d’interprétation des représentations liées aux différents épisodes qui le composent, racontés à travers des manuscrits (comme Le Beatus de Saint-Sever (XIe siècle) et leur riche iconographie. À commencer par les images les plus représentées : les quatre cavaliers, les sept trompettes, le combat de saint Michel contre le dragon, le Jugement dernier et la chute des damnés…
La seconde partie de l’exposition, intitulée « Le temps des catastrophes », est consacrée à l’illustration de l’Apocalypse dans les arts. Comme la célèbre tenture de tapisseries d’Angers ; la plus grande tapisserie conservée du moyen-âge dont on découvre des fragments. Notamment celui où un ange déverse un flacon sur le soleil qui se transforme en un amas de nuées en ébullition dont les rayons de feu brûlent les hommes (vers 1373-1380). Ou la fameuse suite de gravures sur bois d’Albrecht Dürer consacrées au texte, dont la plus connue : l’admirable planche 5 des Quatre cavaliers de l’Apocalypse (1511).
Au fil des siècles, les artistes se sont emparés du récit de l’Apocalypse pour créer tableaux, sculptures, mais aussi photographies, installations, films, littérature, bandes dessinées...Dans lesquels une vision plutôt sombre domine.

Issues des collections de la Bibliothèque, du Centre Pompidou, du musée d’Orsay, du British Museum, de la Tate Britain, etc. quelque 300 pièces sont exposées. Avec leurs catastrophes naturelles, leurs guerres et leurs dystopies politiques ayant déjà quitté le royaume de la science-fiction pour le réel, les XIXe, XXe et XXIe siècles ne manquent pas de sources d’inspiration pour les artistes. En témoignent les œuvres de William Blake (La mort sur son cheval pâle, 1800), Goya (Les Désastres de la guerre, 1860-1870), Vassily Kandinsky (Le Jour du Jugement dernier, 1912), Natalia Gontcharova (Les images mystiques de la guerre, 1914), Fritz Lang et son film culte sur une métropole à l’architecture fantastique survivant sous le joug d’un groupe de tyrans (Métropolis, 1927). Jusqu’à Miriam Cahn et sa Bombe atomique (1991), Tacita Dean et son Livre fin du temps (2013), ou encore Anne Imhof, hantée par la fugacité de la vie, qu’elle exprime, notamment, avec des champignons nucléaires ou des fumées d’incendie ravageur (Untitled, 2022).

La fin de l’exposition se veut plus lumineuse et optimiste, telle cette Eve joyeuse au jardin d’Eden de Kiki Smith (Earth, 2012). Mais si l’Apocalypse de Jean se termine par l’avènement d’une Jérusalem nouvelle, bâtie en jaspe et or, où il ne fait jamais nuit, où coule un fleuve-arbre de vie produisant chaque mois des récoltes et où toute malédiction a disparu, il reste dans notre imaginaire synonyme d’une tragique fin du monde. Et c’est bien ce qui a le plus frappé et inspiré les artistes au fil des siècles.

Catherine Rigollet

Archives expo à Paris

Infos pratiques

Du 4 février au 8 juin 2025
BnF – Site François Mitterrand
Quai François Mauriac - 75013
Du mardi au samedi de 10h à 19h
Dimanche de 13h à 19h.
Plein tarif : 15 €
www.bnf.fr


Visuels :

 Beatus de Saint-Sever, Les Quatre Cavaliers de l’Apocalypse, Gascogne (Saint-Sever), 3e quart du Xie siècle (avant 1072). BnF, département des Manuscrits.

 Fragment de la Tapisserie de l’Apocalypse : Quatrième flacon versé sur le soleil.
Carton de Hennequin de Bruges (actif de 1368 à 1381), dans l’atelier de Nicolas Bataille (actif vers 1373-1400), par le lissier Robert Poincon (actif à la fin du XIVe siècle). Paris, vers 1373-1380. Propriété de l’État, Direction régionale des affaires culturelles des Pays-de-Loire. © Bernard Renoux / Centre des monuments nationaux

 Albrecht Dürer (1471-1528), L’Apocalypse. Planche 5 : Les Quatre Cavaliers de l’Apocalypse. Édition latine de 1511. Gravure sur bois. BnF, département des Estampes et de la photographie.

 Henri Rousseau (1844-1910), La Guerre, Vers 1894. Huile sur toile. Musée d’Orsay, Paris, 2012. Tony Querrec / RMN-GP.

 Natalia Gontcharova (1881-1962), Воина, [Les Images mystiques de la guerre]
Planche XII : Le Cheval pâle, 1914. BnF, département des Estampes et de la photographie © ADAGP, Paris, 2025.

 Tacita Dean (née en 1965), The Book End of Time [Le Livre fin du temps], 2013. Courtesy the artist, Frith Street Gallery, London and Marian Goodman Gallery, New York / Paris. Photographie Pinault Collection, Paris.

 Anne Imhof (Née en 1978), Sans titre, 2022. Pinault Collection, Paris
Courtesy of the artist, Sprüth Magers and Galerie Buchholz. Photographie Timo Ohler.