À travers un ensemble exceptionnel de près de 300 œuvres (affiches, peintures, photographies, costumes, sculptures et objets d’art décoratif) et dans un parcours clair et aéré, l’exposition L’art est dans la rue (coorganisée avec la BnF) interroge l’essor spectaculaire de l’affiche illustrée à Paris, dans la seconde moitié du XIXe siècle.
Dans cette seconde moitié du XIXe siècle, elles sont partout dans les rues de la ville : sur les murs, les palissades, les kiosques, les colonnes « Morris » et jusque sur les hommes-sandwiches.
Supports publicitaires d’un nouveau genre, démultipliées grâce à l’industrialisation des processus d’impression et l’avènement de la lithographie en couleurs de grand format, les affiches ont transformé la ville en spectacle. « Où il n’y a pas d’église, je regarde les enseignes » déclarait Victor Hugo.
Ventant des produits de consommation (petits beurres Lu, chocolat Klaus, Quinquina…), des magasins (La Belle jardinière), des spectacles et des cabarets (La Goulue, Aristide Bruant, Sarah Bernhardt, Le Chat Noir), des expositions ou des messages politiques et de propagande (A bas les calottes, Versez votre or pour la France…), les affiches attirent les regards des passants et constituent une nouvelle source d’informations.
Favorisée par les mutations sociales et culturelles, l’affiche devient même un médium artistique à part entière. Dans la foulée de Jules Chéret, pionnier en la matière qui a ouvert son atelier de lithographie parisien en 1866, de nombreux artistes s’emparent de l’aubaine pour « afficher » leur talent et gagner leur vie. Proche des milieux libertaires, Steinlen est un observateur incisif de la rue qu’il dessine pour la promotion de l’imprimeur d’affiches Charles Verneau en mêlant blanchisseuses, bourgeois, ouvriers, bonnes et enfants, tel un miroir social de la rue parisienne.
Toulouse-Lautrec (dont le musée d’Albi consacre une exposition sur son art de l’affiche), plutôt spectateur des bals et cafés-concerts de Montmartre, se fait connaître en composant l’affiche du Moulin rouge et sa célèbre danseuse de cancan populaire Louise Weber, dite la Goulue. Puis avec celle d’Aristide Bruant dans son cabaret. Mucha, avec ses huit affiches consacrées à Sarah Bernhardt, participe de la construction d’une icône faisant en même temps de l’actrice sa muse qui va jouer un rôle décisif dans sa renommée. Les peintres du cercle nabi tels Bonnard, Vuillard et Maurice Denis trouvent aussi dans l’affiche un terrain d’expérimentation fécond pour renouveler leur art. Tandis que l’affichiste Cappiello (également caricaturiste) met entièrement au service de l’efficacité commerciale son graphisme épuré et percutant comme avec le chocolat Klaus, inventant l’affiche moderne.
De la transformation de la ville par la profusion des affiches, à l’affiche politique et de propagande, en passant par les réclames de consommation et les annonces de spectacles, le parcours à la mise en scène aérée ponctué d’ambiances sonores et enrichi d’un focus sur la technique de la lithographie, nous fait cheminer en six sections à travers un ensemble exceptionnel réunissant près de 300 œuvres (affiches, peintures, photographies, costumes, sculptures et objets d’art décoratif). Un passionnant voyage en images dans l’univers effervescent de la rue au XIXe siècle.
Catherine Rigollet