La National Gallery à Londres présente une vue d’ensemble de l’œuvre de Winslow Homer (1836-1910), grand peintre réaliste américain témoin de la guerre civile américaine, de l’abolition de l’esclavage et de la « Reconstruction » après la guerre de Sécession. Qu’il s’agisse de ses croquis de batailles, de ses éblouissantes paysages tropicaux ou marins, les quelques 50 toiles exposées reflètent l’intérêt de l’artiste pour les questions pressantes de l’époque : les conflits, les races et la relation entre l’humanité et l’environnement.
Sur le pont d’un frêle esquif, sans gouvernail et au mat cassé par la tempête, un homme, torse nu est allongé au milieu de quelques cannes à sucre. Ce qui est fascinant dans cette peinture à priori dramatique peinte par Winslow Homer après une visite aux Bahamas, c’est que ce naufragé ne semble pas faire attention aux requins qui l’entourent, aux poissons volants ou même à la goélette à l’horizon qui pourrait le sauver. Il regarde au loin. Comme si le peintre s’était intéressé à la peinture pour elle-même, sans souci de message.
Célèbre aux États-Unis à la fin du XIXe siècle, Winslow Homer (1836-1910), grand peintre réaliste et puissant paysagiste, est peu connu de l’autre côté de l’Atlantique (le musée d’Orsay possède Summer Night, 1890). Cette exposition que la National Gallery à Londres consacre à ce témoin de la guerre civile américaine, de l’abolition de l’esclavage, de la « Reconstruction » et de la guerre avec l’Espagne est donc un événement rare.
Autodidacte, ayant commencé sa carrière en tant qu’illustrateur commercial pour des publications américaines telles que Harper’s Weekly, Homer se fait connaître comme reporter dessinateur durant la guerre de Sécession, peignant des scènes décrivant le quotidien de l’armée, croquées sur le vif alors qu’il suit les armées nordistes. Puis il aborde des scènes de genre et du monde rural, dans la précision naturaliste qui dominait alors la peinture américaine (The Veteran in a New Field, 1865). Après un séjour parisien, il adopte un temps la palette impressionniste, puis trouve sa marque définitive, entre réalisme et symbolisme dans des compositions puissantes, tant en peinture qu’en aquarelle avec une prédilection vers la fin de sa vie pour la mer et la vie des familles de pêcheurs. Une vision presque toujours dramatique, avec des naufrages, des noyades (The Time Line, 1884), des tempêtes à venir, des éléments déchaînés et des sauveteurs prêts à donner leur vie (The life brigade, 1882-83).
À la fois chronologique et thématique, l’exposition londonienne coorganisée avec le Metropolitan Museum of Art de New York présente plus de 50 peintures et aquarelles issues de collections publiques et privées, couvrant plus de 40 ans de carrière de l’artiste. Elle explore tout particulièrement les questions sociales et géopolitiques complexes de son époque - guerre, race, classe, pouvoir - ainsi que des préoccupations plus larges concernant la fragilité de la vie humaine et la domination de la nature.
Catherine Rigollet